" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: juillet 2012

Lundi Clafouti du 30 juillet : le temps perdu

Photo Claude Degoutte


Le temps perdu

C’est l’heure de la mer qui s’étire
sans vague
derrière les tamaris alignés sur le sable.
Joseph enfile des coquillages
dans son fauteuil de toile usée,
devant les tables vides du café.
Le paysage est épuisé
comme après un labour,
et la musique du pick-up
fredonne des chansons d’amour
à l’oreille de l’éternité.
Les deux chiens roux se sont assis.
Ils guettent l’horizon du jour,
ils attendent quelqu’un qui ne viendra plus
et se laissent caresser par l’incompréhensible main de Dieu.
On a envie de crier très fort
un prénom, un souvenir,
mais on se tait pour ne pas effrayer
cette terrible absence.
Pour laisser peut-être son ombre
tranquillement revenir
se baigner nue.
 
Marie Bataille

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Lundi Clafouti du 23 juillet : l'été grec

Photo Claude Degoutte

L'été grec

Ruiné, critiqué, vilipendé, à bout de souffle, le pays du Parthénon, d'Ulysse, d"Agamemnon, d'Egée et de l'Olympe fait honte à l'Europe....
Pourtant dans le dédale des Cyclades, sans doute en souvenir de l'Odyssée, les petites îles restent tranquillement posées sur l'eau. Sur mon île rien n'a changé. Elle a gardé le ciel infini ou, la nuit, la pleine lune se pose comme une hostie, une lune si énorme qu'il n'y a pas besoin de fusée pour y aller. Elle a gardé les lauriers en fleurs, les bougainvilliers flamboyants, ses maisons blanches et carrées comme des morceaux de sucre, sa plage bordée de tamaris, ses chemins de terre poudreuse et ses collines battues par le vent quand il souffle. Ma petite île continue de respirer comme avant, en crachant son haleine brûlante tétée au soleil. Le matin on est réveillé par le bruit d'une moto, le cri d'une vieille.ou la conversation aigüe d'une cloche .
Paris, Bruxelles, l'Europe, les sommets, les communiqués, lui passent au dessus, comme un petit nuage de chaleur qui n'éclate jamais. Pendant que les hommes d'affaires comptent l'argent de leur bourse, calculent leur avenir, pèsent leurs sacs de farine, mon île posée sur l'eau accueille l'été, comme l'enfant béni des Dieux qu'on recoiffe d'un geste tendre. Le savoir vivre, le bonheur d'être, ça ne se commande pas!
On boit l'ouzo jusque tard dans la nuit, on déjeune à la taverne et les vieilles en noir prennent le frais devant la porte à la tombée du jour. En noir, il n'y a pas que les vieilles veuves... Il y a aussi le pope qu'on aperçoit de temps en temps à la croisée des chemins! 
Mais depuis ce matin, deux nouvelles hirondelles sont apparues. Pendant que je sirotais mon expresso à la terrasse d'un café du port, j'ai vu passer deux ombres noires voilées de la tête au pieds. Deux jeunes jumelles jamais vues dans les ruelles envahies, l'été, par des baigneuses scandinaves recouvertes de courts tissus pastels et transparents, ornés de fines dentelles. Les deux ombres noires rejoignaient un luxueux 4x4 aux vitres teintées garé plus loin qui allait sans doute les ramener dans une des somptueuses villas perchées sur les collines, à l'écart du village. Elles allaient d'un pas léger. Il faut dire que même en plein soleil au bord de l'eau, il fait moins chaud l'été, sur une île grecque, qu'à Dubaï ou Riyad !    

Marie Bataille


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Nouvelle rubrique estivale : LUNDI CLAFOUTI

Lundi Clafouti du 16 juillet : la vie est un poème
Photo Claude Degoutte

La vie est un poème

De mon balcon blanc et bleu, je vois la mer, la plage et sa rangée de tamaris, des terrasses et des bouquets d'arbres, j'entends des voix qui parlent une langue que je connais mal.  Je me souviens du début d'un poème :

                         Il est une heure exquise à l'approche des soirs
                         Quand le ciel est empli de processions roses
                         Qui s'en vont effeuillant des âmes et des roses
                         En balançant dans l'air des parfums d'encensoirs..
.

Je revois une classe aux grandes baies vitrées donnant sur une cour, un pupitre posé au milieu d'une estrade, le grand tableau noir derrière. J'entends mon nom appelé par la voix particulière de mon prof de français. Une voix à la fois aigüe et un peu rocailleuse. Mme Baudis a les cheveux blancs neigeux, tirés et attachés en chignon banane. Elle porte souvent un chemisier en soie imprimé et une jupe blanche. Sa corpulence, sa coiffure, ses lunettes cerclées de noir, rien n'invite à la décontraction. Et pourtant en ce jour de contrôle de poésie, j'arrive légère et dilettante. J'ai peu de mémoire. Retenir des suites de mots me demande une discipline de fer souvent mise de côté. Je ne connais q'un seul poème. La Fontaine, Musset Lamartine et autres pointures peuvent aller se faire voir ailleurs. J'ai fait l'impasse. Ce sera le poème libre ou rien. Quand j'arrive devant l'estrade, j'ai une chance sur six de tirer le bon papier plié en quatre. Il m'arrive d'avoir de la chance...
"Je vous écoute". Je tends le petit papelard...  Jean de la Fontaine!  Je récite les deux premiers vers et je m'arrête. La prof me regarde. Silence total dans les rangées de tables. L'inexplicable se produit. Une des meilleures élèves de la classe n'apprend pas ses poésies. Mme Baudis regarde par dessus ses lunettes et me propose froidement contre quelques points en moins de tirer un autre papier. Une chance sur cinq. Cette fois, c'est Lamartine. J'en sais un peu plus long, une strophe ou deux, mais inutile de faire perdre du temps à tout le monde. J'annonce la couleur. Je n'en sais qu'un seul par coeur, c'est le poème libre. Les yeux par dessus les lunettes fulminent. Ils demandent des explications à  cette suffisance. Je n'ai rien à répondre. Je repars avec un zéro, note qui me prive des félicitations sur le bulletin du second trimestre. Ca n'a aucune importance. Ce qui me navre le plus, c'est que personne n'a entendu ce poème mineur qui me ravissait, le seul que j'avais jugé digne de mes terribles efforts. Le seul que quarante ans après je peux encore énoncer, un soir après la plage. Celui qui dans ces années droites, sévères et guindées, criait ma révolte, ma désobéissance, mon adolescence, ma fougue, celui qui disait les chemins incontrôlables que j'allais choisir :

                            Alors tout s'avivant sous les lueurs décrues
                            Du couchant dont s'éteint peu à peu la rougeur,
                            Un charme se révèle aux yeux las du songeur :
                            Le charme des vieux murs au fond des vieilles rues.


Marie Bataille

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Lundi Ravioli du 9 juillet : Pour Marina et autres anges...

Photo Claude Degoutte

 Pour Marina et autres anges...

Moi qui écris des histoires pour les enfants, pour leurs yeux tout ronds d'étonnement et de mystère, leur rire frais comme une source claire, leurs questions pleines d'amour et de bon sens, je suis clouée de douleur quand les médias nous révèlent qu'un de ces petits visages dignes a été torturé, bafoué, démoli, assassiné.
            Placard, lit souillé, chaise ficelée, malle-tombeau et autres martyrs sont le sort que certains parents réservent à leur progéniture. Ce n'est pas de la colère, de la haine mais un flot de larmes brulantes et douloureuses qui me monte aux yeux en pensant à toutes ces frimousses défaites et trahies par leur père et leur mère, tous ces regards incrédules qui doivent se demander encore et encore, inlassablement, autant de fois que toutes ces petites têtes ont  heurté les murs, quelle horrible faute elles avaient bien pu commettre au point de tant souffrir.
              J'aimerais qu'il existe un mémorial pour les enfants battus, battus à mort. Une statue qui s'élève quelque part vers le ciel, tendue vers leur âme inconsolable et qui fasse exploser les murs silencieux, l'insondable solitude, un monument de marbre pour réconforter leur chagrin éternel. J'aimerais qu'il y ait un jour pour ces enfants qui ne l'ont pas été, un jour de grâce, discret comme fut leur lente agonie, un jour de printemps qui associerait la fête des fleurs et des papillons, autres choses fragiles du monde, promises, elles aussi, à la vie pour très peu de temps.
            J'aimerais que les mains assassines ne puissent plus retomber comme une chape de plomb sur leurs victimes, que rien ne musèle plus le cri souvent tu de ces enfants, que le regard des autres passe à travers les caves et les volets pour obliger ces démons bon voisins à tomber le masque avant qu'ils se soient repus de la chair de leurs petits.  

Marie Bataille

et la semaine prochaine une nouvelle rubrique estivale :

 "Lundi Clafouti"...

 


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Lundi Ravioli du 2 juillet : Cinéma cinémas

Photo Claude Degoutte

Cinéma cinémas

C'est sûr, "L'enterrement de Mémé", n'était pas un film qui allait interpeller la jeunesse. En ce dimanche de fête du cinéma et de fin Juin qui sent le retour des vacances, le bikini et la crème solaire, nos ados et nos  trentenaires pensent plutôt sea, sun, sex, que sapin, corbillard et cimetière. Donc, l'interminable queue qui s'était formée sous une petite pluie cruelle de Toussaint, en plein dimanche d'été, et qui était aussi parfaite pour accompagner le film qu'un petit macaron au beurre salé pour accompagner le café, était une queue de vieux.
Il y a belle lurette, lorsque j'étais ado, les vieux restaient paisiblement chez eux. Comme des choses pas très présentables, on ne les sortait pas beaucoup. Pépé en bretelles et Mémé en tablier restaient à la maison devant la télé, en compagnie du jeune et prometteur Michel Drucker.
Aujourd'hui, Pépé en loden et Mémé en escarpin sortent, vont au ciné, ont leurs cartes Gaumont et UGC et des films sur mesure. Et loin de se faire tout petits, ils revendiquent, se plaignent et apostrophent le monde : Faire la queue? Pas question, il pleut. Rester debout? Impossible! Les jambes sont lourdes, le coeur fragile et les années pèsent. Patienter une demi heure?... Mais pourquoi? Enfin, c'est quoi cette fête du cinéma? Des places à 2,50, quelle idée! Donc on se faufile, on resquille, on fait pleurer l'ouvreuse, on jauge un plus jeune.
Lundi-Ravioli, une rubrique anti-vieux? Pas du tout! Mais maintenant que les seniors sont partout, on se rend compte qu'il n'y a pas que des vénérables sages à la barbe blanche ou de gentilles Mamie Nova nourries de bonté et d'expériences. Il y a, à Paris, un lot impressionnant de Tatie Danièle et de vilains Papy Mougeot!
Finalement, tous ces petits jeunes, qui ont des oreillettes et des casques plein la tête, des yeux pas toujours en face les trous pour le repas dominical, des pantalons trop larges ou trop serrés, des bla-blatteries interminables avec des portables vissés aux oreilles, qui écoutent des musiques abrutissantes, qui se déshabillent sur Facebook, sont beaucoup moins turbulents quand ils vont voir Twillight ou les nouvelles versions de Blanche-Neige.
Conclusion, le dimanche et le cinéma ne sont plus ce qu'ils étaient... Mais c'est une remarque de vieux cons ça, non?
Marie Bataille

 

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