" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: avril 2014

ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 57




Semaine 57

Onaké était restée désemparée après la violente agression du moine Gio.
Tout d'abord après avoir réussi à sortir de l'eau saine et sauve, après m'avoir récupéré dans ses bras, Onaké rentra en courant à perdre haleine chez elle et se barricada dans la petite maison de bois. Elle resta prostrée par terre à côté du piano en grelottant et en suffoquant. A force de gigoter pour essayer de me libérer de ses bras qui serraient
très fort, elle reprit conscience et se précipita vers un coffre qui contenait du linge de maison. Elle sortit une grande serviette de toilette et s'y enveloppa. Avec une autre, elle sécha ses cheveux. Puis elle alluma un feu dans la cheminée avec des buchettes entreposées dans un panier d'osier, près de l'âtre. Elle me frictionna vigoureusement et m'approcha des flammes en me disant :
- Mon Petit Tigre, tu m'as sauvé la vie! Toi, un chat ! Tu es venu dans l'eau, tu as nagé jusqu'à moi, tuas attaqué Gio ! Je crois que tu es un petit dieu !... Mais surtout, surtout, tu es mon chaton adoré... Il faut prévenir le moine Kitashiba.Il faut le prévenir.
Onaké parlait en me frottant machinalement, les yeux perdus et fixes. Je décidais de me secouer et bien que je ne sois pas sec, de partir au monastère. Onaké m'ouvrit la porte et me regarda aller, l'allure pitoyable, le pelage collé aux os.
Je trouvais Kitashiba au potager et dès qu'il me vit, il resta saisi de stupeur.
- Que se passe-t-il le chat ? hurla t-il
- Un drame ! Répondis-je.
- Je te suis.
Le moine que je n'avais jamais entendu lever la voix, posa ses outils par terre et partit à grandes enjambées vers la maison d'Onaké. Je le suivis.
Onaké était sortie de sa léthargie et nous l'avons trouvée en train de préparer du thé dans la cuisine. Elle avait enfilé un peignoir de coton et avait noué ses cheveux. Mais pour recevoir Kitashiba sa tenue était trop dénudée et négligée. Le moine resta décontenancé mais soulagé de la voir debout, sans blessure.
- Que se passe-t-il Onaké ? Demanda-t-il
Onaké lui fit signe de s'assoir près de la cheminée et lui raconta ce qui s'était passé au lac. Elle conclut en disant que le corps de Gio n'allait pas tarder à remonter à la surface. Kitashiba resta imperturbable. Puis il se mit à parler
- Gio m'avait parlé de son attirance pour toi. Il m'en parlait souvent quand nous étions tous les deux seuls au potager. Il luttait de toutes ses forces contre ce penchant. Il me confia que sans doute un jour il en mourrait. J'essayais de le réconforter mais il y a peu de choses à faire dans ce cas. Il était amoureux. Quand tu es rentrée de Venise, il a compris que toi aussi tu étais amoureuse. Que Guillaume t'avait séduite. Il t'avait
perdu. Depuis ton retour il allait très mal et devait quitter ce monastère pour s'installer dans le Nord. Il devait partir demain. C'était la seule solution que j'avais trouvée : l'éloigner.
- Pourquoi ne m'avoir rien dit, moine Kitashiba ?
- Parce que je ne le croyais pas fou et désespéré à ce point. Parce que ce sont nos histoires d'hommes et de moines, Onaké. Ce sont nos secrets.
Le silence tomba comme un rideau opaque entre Onaké et le moine qui baissa la tête et but la dernière gorgée de sa tasse de thé.
- Je vais prévenir les autres moines. Je ne préviendrai pas la police si tu es d'accord. Nous l'enterrerons parmi nous et déclarerons qu'il s'est noyé en allant pêcher sur le lac. Je ferai venir le médecin pour établir l'acte de décès quand nous récupèrerons le corps.
- Et les griffures dans le dos ?
- Ca n'a pas d'importance. Il ne les verra pas. Gio sera allongé sur son lit. Il constatera le décès par noyade et ne cherchera pas plus loin. Gio risque de rester plusieurs jours dans l'eau.
- J'ai fini mon oeuvre, Kitashiba. Je la jouerai intégralement ce soir. Et je partirai. Je t'invite à venir l'écouter.
- Bien. Répondit le moine.

Quand Onaké se mit au piano, la nuit commençait à froler la cime des arbres. Pourtant une lueur claire fendait le ciel en deux.
- Ici, on appelle ce phénomène, la traine de la princesse Gia annonça Kitashiba. C'est de bon augure.
Onake avait oublié le désastre du matin, la fatigue et la dépression qui avaient suivi. Elle plongea dans la musique sans hésiter. Quand elle attaqua l'andante, sur le lac, là bas, au milieu des bois, le corps de Gio se détacha des ajoncs et des algues qui le retenaient prisonnier. Il remonta lentement vers la surface, son âme flottant au dessus des eaux.
Elle suivait la mélodie qui lui parvenait. Cette musique la guérissait.
Parce que cette symphonie c'était Gia et Gio mélangée, c'était l'hymne de l'amour tu, de l'amour tant attendu, de l'amour impossible. C'était le passé d'Onaké, son inoubliable parfum débarqué un beau matin plein de désespérance. Quand le cadavre de Gio retrouva la surface, il ne portait aucune boursoufflures, aucune griffure, il était resplendissant de force. On pouvait voir son âme dans le ciel, se mélanger à celle de la princesse Gia et les deux âmes courir au milieu des étoiles de la nuit comme des oiseaux libérés de leur cage.


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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 56


Semaine 56

Roger était allongé au soleil sur une chaise longue dont la toile rayée sentait un peu le moisi. Par terre à côté de lui, une tasse de café ébréchée, à moitié pleine, était à portée de sa main et de temps en temps il la saisissait pour la porter à sa bouche, avaler une courte gorgée, sans regarder ce qu'il faisait. Il était absorbé, complètement absorbé par sa lecture. La visière de sa casquette, en le protégeant de la luminosité, lui facilitait la lecture. Il était sous le charme.
J'étais allongé sur le perron, le ventre sur le ciment tiède, les yeux mi-clos.
Depuis quelques jours, après le déjeuner, Roger s'installait à la même place pour dévorer le manuscrit que lui avait confié Mameth. Moi aussi, je venais somnoler près des marches pour lui tenir compagnie. Roger m'aimait beaucoup. Beaucoup plus sereinement que Mameth triturée par ses sautes d'humeur et à Mallorca, Mameth était encore plus imprévisible qu'à Paris. Le midi, Ursule, sa soeur, venait manger avec nous et le soir nous allions chez elle. Les deux soeurs ne passaient pas un repas sans se disputer. Roger continuait tranquillement son repas comme si de rien n'était. Quand Mameth le prenait à partie il lui donnait toujours raison mais il savait le faire sans blesser pour autant Ursule. Il employait des conditionnels, des "il me semble" et des " c'est bien possible" tout en adressant des sourires discrets à Ursule qui demandait compréhension et indulgence. Surtout depuis qu'il lisait les Mémoires de Mameth, un pur chef-d'oeuvre sur l'Indochine des années 30.
Mameth lui apparaissait purement et simplement un écrivain génial qui pouvait se permettre d'avoir un caractère chatouilleux.
De son côté Mameth n'avait pas cherché à savoir ce qu'avait bricolé Roger au Vietnam. Sans doute des trucs pas reluisants qu'elle préférait ignorer.
Roger se la coulait douce au milieu des deux femmes. Dans la journée il bricolait et rafistolait la maison de Mameth. A l'occasion, il rendait aussi service à Ursule qui habitait une maison en bien meilleur état mais qui faisait prospérer seule un grand
potager qui lui mangeait les trois quart de son temps.
Après avoir découvert les meubles rapatriés d'Asie qui décoraient la chambre de Mameth, Roger s'était mis à parler de Saïgon. Mameth l'avait laissé parlé. Il lui racontait un autre pays, un Saïgon peuplé de GI américains, de prostituées, de poudre blanche remplaçant les fumeries d'opium, le 20ème siècle en marche vers son zénith. Il racontait à Mameth, un monde déchiré qui n'avait rien à voir avec celui qui avait vu
naître sa mère, cette petite fille rousse née de pauvres parents exilés, devenus planteurs d'hévéas. Mameth ne connaissait qu'une Indochine racontée par cette femme qui avait quitté la luxuriance des plantations, la mansuétude des domestiques anamites, une maison coloniale aux tentures soyeuses pour rencontrer un pays de quatre saisons, froid, tiède et chaud où personne n'avait vraiment prit soin d'elle et où elle avait très vite renoncé de vivre.
Un soir, à table, Roger osa une question :
- Votre livre, Mameth, vous l'avez envoyé à des éditeurs ?
- Oui, oui. Guillaume connaissait quelqu'un d'influent et je lui ai fait parvenir le manuscrit.
- Et alors ?
- Et alors, on m'a téléphoné assez vite pour me dire que c'était très bien et qu'ils voulaient bien l'éditer.
- Mais c'est super, il va paraitre quand ? Demanda Roger tout sourire.
- Jamais. Ils m'ont pris la tête en me disant que ça allait faire un tabac parce qu'ils avaient été complétement charmé, qu'on me conseillerait pour les interviews, les passages télés, que je n'avais pas à m'en faire. J'ai réfléchi et me suis dit que je n'avais pas envie de devenir une bête de foire. Je les ai rappelés pour leur dire que finalement je ne signerai pas leur contrat. Ils ont cru que je faisais monter les enchères. Bref, des nazes. J'ai raccroché et on en est resté là.
Roger avait la bouche ouverte comme un poisson qui suce le verre de son bocal. Puis il se reprit et lança:
- Mais enfin, Mameth, votre livre est un chef d'oeuvre ! Les gens ont le droit de le lire. Je pense que vos parents aimeraient que ce livre soit publié.
- Laissons les morts où ils sont, Roger. Et les gens, comme vous dites, ils ont des tables entières de best-sellers à se mettre sousla dent. Ils peuvent se passer du mien.
- Mais vous seriez riche.....
- C'est ça... et célèbre. Ecoutez Roger, arrêtez de dire des âneries. Dites plutôt à Ursule que son cassoulet est divin... On n'est pas pauvre, hein ? On mange à notre faim, n'est ce pas ? Pourquoi voulez-vous que j'aille faire le zouave à la télé ?
Roger plongea le nez dans son assiette. Il avait déçu Mameth. C'est vrai qu'il avait été très con. Mameth était à cent coudées au dessus de tout ce tralala. Et puis si le livre était publié, Mameth disparaitrait de sa vie, évidemment. Mameth avait bien raison. Il était très con. Il ferait mieux de la fermer.


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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 55


semaine 55

Yannis s'était douché et avait mis des vêtements propres. Sur sa chemise bleu ciel il avait enfilé une veste en toile beige assortie au pantalon. Il s'était rasé et avait essayé de dompter ses cheveux grisonnants et crépus. Je ne l'avais jamais vu aussi soigné. Je me rendis compte qu'il pouvait être élégant bien qu'il ait laissé le col de sa chemise entrouvert sur les poils qui envahissaient sa poitrine jusqu'à la base du cou. Pour finir, il avait ciré des mocassins en cuir noir et avait rencardé dans la vieille armoire ses tennis et ses sandales en cuir. Il m'avait regardé en riant et s'était exclamé :
- Alors Bradpitt, il a de la gueule, le père Yannis, hein ? Qu'est ce que tu en penses ?
Pour toute réponse, je m'étais mis à ronronner. Yannis aimait bien mes ronronnades.
- Tu vois, c'est pas avec Mameth que je vais dîner, mais c'est tout comme. On pourrait croire que je vais dîner avec une Mameth qui n'aurait pas vieillie. Comme si je dinais avec la Mameth d'autrefois. Car elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau, la mère et la fille. C'est incroyable ce que la vie peut jouer comme tour.

Yanni savait invité Chloé sur la grande île qui faisait face à Soros. Epistéria était à une vingtaine de minutes de Soros. Un bateau faisait régulièrement la navette entre les deux îles jusqu'à une heure du matin.
Yannis avait réservé une table dans le meilleur restaurant de l'île. Chloé remarqua que le patron connaissait Yannis mais son accueil manqua délibérément de chaleur. Le patron dévisagea Chloé. Elle lui rappelait quelqu'un. Mais le scandale qui tâchait l'honneur de Yannis Pantapoulos était vieux d'une quarantaine d'années et lui, le patron, était bien jeune à l'époque. Ses souvenirs de "l'affaire" étaient flous. Il pensa
néanmoins que son père n'aurait pas permis à ce scélérat de s'asseoir à une de ses tables. Pourtant, il conduisit sans rien dire Yannis et Chloé à l'une des meilleures tables de la terrasse qui surplombait la plage de San Giorgos. Il leur donna le menu et leur souhaita bon appétit.
Chloé et Yannis n'eurent plus à faire à lui de la soirée.
- Je ne boirai pas d'alcool. Je n'en bois plus.
- Eh bien ce soir vous ferez une exception ! Sinon vous me facheriez !
- Non, je n'en boirai pas, désolée.
Chloé regarda droit dans les yeux Yannis qui était décontenancé. Elle ne voulut pas le laisser sur une mauvaise impression.
- Je ne bois plus d'alcool parce que je suis enceinte.
- Ohh ! S'exclama Yannis. Je ne pouvais pas deviner. Vous êtes enceinte de l'homme qui a tragiquement disparu ? De votre mari en quelque sorte ?
- Oui, c'est ça. Il est mort sans savoir qu'il allait être père.
- C'est dommage, ça... Alors on va demander un coktail de fruits, sans alcool.

Cette révélation avait troublé Yannis qui se remplit un verre de vin blanc retsiné dès que le serveur apporta les boissons. Tout se jouait très bizarement depuis qu'il avait trouvé la pièce de cinq francs au milieu des pierres du petit mur. Ce n'était pas Mameth qui était venue comme le serment fait autrefois le prédisait, mais sa fille. Et cette Mameth qui était à l'origine de la mort de son fils lui envoyait sa fille enceinte. Dieu s'amusait de lui. Et puis ce soir là, Yannis eut une autre révélation. De la terrasse du restaurant, on voyait le bras de mer noire qui séparait les deux îles. En face les lumières de Soros battaient comme le coeur des étoiles. Malgré tout ce qui était arrivé, il n'avait jamais quitté l'île parce qu'il aimait cet endroit plus que tout au monde. Et quitte à vivre avec le chagrin et le malheur, mieux valait que ce fut là, à côté du continuel murmure de la mer, dans le bleu et le blanc éternel de son île, dans les nuits au ciel immense.
A part ça, Yannis avait remarqué que le serveur était subjugué par Chloé. Yannis le taquina en grec et le garçon disparut gêné. Yannis,pour détendre l'atmosphère en toucha un mot à Chloé :
- Vous plaisez beaucoup au serveur, vous savez!
-Yannis, je ne suis pas vraiment d'humeur à batifoler... A cause de tout ce qui vient de m'arriver mais aussi parce que je ne ressemble pas du tout à ma mère. Il me faudra du temps avant de ne plus croire qu'Andy n'est pas mort dans cet attentat. Je me dis qu'un miracle va le faire revenir. Je nie son décès de toute mes forces.
- Ah! soupira Yannis attristé. Moi, quand ma femme et mon fils ont disparu, j'ai tout de
suite su que c'était vrai, que c'était sûr. Je n'ai pas pensé un seul instant qu'on allait les retrouver.
- Parce que vous vous sentiez coupable, vous les aviez trahis.
- C'est sans doute pour ça, oui.
- Vous avez dû haïr ma mère ?
- Pas du tout. C'est moi que je haïssais. Elle n'y était pour rien.
- Elle a dû bien vous allumer, tout de même. Je la connais. Elle savait que vous étiez marié, que vous aviez un enfant...
-Oui. Mais ce que nous faisions sortait du cadre de la vie de tous les jours, de la vraie vie. Notre rencontre était magique et elle faisait partie d'un monde merveilleux, dans une île paradisiaque. Nous étions jeunes et nous y avions droit. Je n'avais pas épousé la femme de mes rêves, vous savez. J'avais épousé la fille choisie par mes parents.
- Qu'ont dit vos parents de tout ça ?
- Ils en sont morts quelques temps plus tard. De honte sans doute et de chagrin.
- Comment avez vous pu survivre ? Demanda Chloé en lui prenant la main et en la serrant très fort dans la sienne.
- En payant de ma vie, justement, dans un endroit devenu hostile. Ou les gens ne me parlaient plus et me trouvaient monstrueux. Il n'y a eu que la mer, les pierres, la plage du camping et les oliviers pour ne pas me juger. C'est pour ça que j'aime cette île à la folie.
Chloé secoua la tête. Elle avait envie de pleurer. Elle était étrangère à tous les sentiments dont parlait Yannis. Elle le trouva terriblement poète, grand et misérable. Mais elle retira subitement sa main de la sienne car elle venait de se rendre compte que quelque chose de plus fort qu'une franche affection l'attirait soudainement vers cet homme que sa mère, sans le savoir, avait condamné au malheur.


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