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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 48


Semaine 48

Depuis que Roger s'était installé dans la chambre de bonne perchée au huitième étage de l'immeuble, ma vie et celle de Mameth avait beaucoup changé.
D'abord Roger avait été invité à venir prendre le petit déjeuner et tous les matins il arrivait rasé de près, en jean et en sweat, ses cheveux gris bouclés un peu en bataille. Il avait pris le temps de passer à la boulangerie et d'apporter une baguette de pain frais et le journal Le Parisien. Mameth ne l'avait pas remercié mais lui avait conseillé de garder le peu d'argent qu'il avait.
- Ici, il y a des biscottes, et le journal c'est pas indispensable. J'ai un "gratuit" quand je prends le métro.
Roger s'était contenté de répondre qu'il lui devait bien ça. Il ne se bilait pas des ruades de Mameth. Dès qu'elle avait le dos tourné, il prenait énormément soin de moi. Il remplissait ma gamelle de croquettes et changeait l'eau de mon bol. Puis il me parlait de son chien, tragiquement mort sous les yeux de Mameth et les siens. Il disait qu'il
fallait vénérer sa mémoire un peu chaque jour. Je me disais que si je mourrais, Mameth ne se donnerai pas tant de mal.
Il avait été convenu qu'après le petit déjeuner, quand Mameth quittait l'appartement
et elle avait tout le temps la bougeotte, Roger pouvait disposer de la salle de bain. Avant de donner cette permission, Mameth avait testé les qualités de Roger. Il débarrassait la table, ramassait les miettes, rangeait la vaisselle dans le lave-vaisselle, rinçait la théière et rangeait le reste de pain dans la corbeille. Une vraie petite fée du
logis. Mameth s'était dit qu'il valait mieux que Roger sente bon et sa chambre ne disposait que d'un lavabo d'eau froide. Un matin, elle lui avait donc proposé d'utiliser sa douche. Elle était à peu près sûre de retrouver l'endroit encore plus nickel qu'elle le lui avait laissé.
Ensuite Roger avait été convié au repas du soir quand Mameth était seule. Et puis un jour, Roger fut convié au repas d'amis. Roger s'entendit à merveille avec Jean Poitevin, le copain homo de Mameth qui habitait Fronton. Il s'avéra que Roger était aussi originaire du Sud Ouest. C'était une franche amitié, Roger ne semblant pas très porté sur le sexe. Il n'était pas plus attiré par Nicole Burette, la prof, qui l'agaçait plutôt. Elle se plaignait trop souvent. Et puis il sentait bienque Mameth, bien qu'elle le traitât comme la cinquième roue du carosse,ne supporterait pas qu'il s'intéresse à Nicole. Bientôt, Roger était dans l'appartement comme chez lui, autorisé à aller et venir comme bon lui semblait. Il avait un trousseau de clés et rendait des tas de menus
services. Mameth lui laissait souvent la liste des courses et un billet de vingt euros, elle lui demandait de faire une machine de linge sale ou de passer récupérer des vêtements chez le teinturier. Il servait d'homme à tout faire mais loin de l'offenser, Roger portait Mameth au pinacle. Elle lui avait évité le pire : la rue, la déchéance. Il devait se montrer à la hauteur. Et puis il aimait la forme de générosité de
Mameth. Instinctive mais certainement pas pavée de bonnes intentions.
Unsoir de repas en tête à tête, Mameth demanda à Roger s'il avait le permis de conduire. Il répondit que oui. Mameth lui proposa, si ça le tentait, de l'accompagner dans le Sud voir sa soeur et faire quelques travaux dans la maison de famille qu'elle possédait à Mallorca, un village perdu au fond d'une vallée près de la frontière espagnole. Roger n'eut pas l'air surpris. Il trouvait tout à fait normal de prendre de
plus en plus de place dans la vie de Mameth puisque depuis le début, il
ne cherchait qu'à lui plaire.
- Ca me ferait très plaisir, Madame Mameth.
- Je vous l'ai dit cent fois, appelez moi, Mameth.
- J'ai du mal, Madame Mameth.
Il fallait bien que Roger ait des défauts.
Cettefois on ne me laissa pas seul dans l'appartement à attendre que Nicole Burette ou quelqu'un d'autre vienne me nourrir. Roger proposa de m'amener.
Mameth dit que ça allait perturber le voyage déjà long et ennuyeux mais Roger insista. Il s'occuperait de tout. Mameth céda.
On partit un mardi matin plein de soleil et je me sentis heureux comme je ne l'avais pas été depuis bien longtemps.



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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 47


Semaine 47

Depuis l'arrivée de Chloé, Yannis Pantapoulos dormait encore plus mal que d'habitude, buvait deux fois plus de café et fumait cigarette sur cigarette. Chloé avait loué un studio sur le port mais déjeunait tous les matins au café où lui aussi venait siroter un frappé sans sucre et sans lait en attendant l'arrivée du bateau qui déversait une partie de sa clientèle. Dans le village les mémoires s'étaient réveillées. La jeune femme rousse en rappelait une autre qui avait fait des ravages quarante ans plus tôt. On se demandait qui elle pouvait être et si le ciel, avec sa venue, ne voulait pas annoncer le retour d'une nouvelle catastrophe imminente. Mais on restait circonspects et on la servait correctement car elle était une touriste qui ne comptait pas à la dépense. Elle laissait des pourboires généreux et vivait simplement.
Elle sortait peu le soir et ne fréquentait ni les bars, ni les boîtes de nuit. Elle dînait tard dans les meilleurs restaurants de l'île et prenait son temps pour manger. Elle traînait à table, le téléphone à l'oreille. Si elle n'avait pas été rousse et belle comme celle qui avait précipité la femme de Pantapoulos et son fils dans les profondeurs de
la mer, elle aurait été la touriste parfaite qu'on aurait choyée plus que de raison.
Yannis se faisait un devoir de faire semblant de rien. Il continuait d'aller boire son café frappé et descendait la rue avec moi, raide comme la justice. Il sentait bien que les regards qui jusqu'alors le fuyaient, le fixaient maintenant avec une haine ravivée sous la visière des casquettes mais il faisait celui qui ne se rendait compte de rien. Ce matin il avait pris une décision qui risquait de mettre le feu aux poudres. En enfilant son pantalon et en ajustant les bretelles il me marmonna, la cigarette au bec:
- Je vais lui parler, Bradpitt. Je vais lui demander d'où elle vient et lui dire qu'elle me rappelle quelqu'un. Tantpis s'ils veulent me tuer après. Je les emmerde.
- Mais s'ils te tuent, que vais je devenir ? Ils vont m'étriper aussi ! Pensai-je
Comme s'il m'avait entendu, Yannis, mon maître poursuivit :
- Tu te cacheras au camping s'il m'arrive quelque chose et le yougoslave te donnera à manger. Si tu sais y faire avec lui, il t'emportera dans son foutu pays..
- Oui maître, répondis-je.
Je sortis avec lui et descendis la rue principale le plus digne possible pour lui faire
honneur. Je l'aimais, Pantapoulos. Arrivés au café du port on s'installa à notre table habituelle. Costa, le patron, ne nous décrochait plus un mot. C'était la fille de salle qui apportait le café à Yannis. La fille de Mameth arriva un peu plus tard que d'habitude. Elle avait l'air un peu chiffonné de quelqu'un qui a mal dormi. Il commençait à faire très chaud. L'été grec s'installait comme une couverture de plomb au dessus de l'île. Passé dix heures de la matinée, il fallait se réfugier dans les maisons, volets clos, ou s'abriter entre deux baignades sous les tamaris de la plage qui cernaient la baie de sable. Chloé vint s'assoir derrière nous. La serveuse arriva immédiatement pour prendre sa commande. Costa n'en perdait pas une. Il avala de travers quand il vit
Yannis Pantapoulos se retourner et incliner le torse vers la jeune femme qui sourit.
- Yannis Pantapoulos dit il. Je suis le propriétaire du camping. Nous avons les mêmes goûts. Vous venez ici tous les matins, comme moi.
Il écrasa sa cigarette et lui sourit.
- Oui, répondit Chloé en anglais. Ca me calme de regarder la mer et les allées et venues des bateaux.
- Vous n'êtes pas anglaise, n'est ce pas?
- Non, française.
- Ah ! soupira Pantapoulos qui en était sûr. Et de quel coin?.. Je vous ennuie avec mes questions ?
- Pas du tout. En fait je ne vis pas en France. J'étais en Inde avant d'arriver en Grèce.
- Ah ! soupira encore Yannis qui perdait pieds et ne savait plus quoi demander.
- C'est un drame qui m'a amené ici continua Chloé. L'homme que j'allais épouser a été tué dans un attentat, la veille de notre mariage.
Yannis alluma une cigarette en disant :
- Vous permettez ?
- Oui, oui. Dit-elle. C'est ma mère qui m'a dit de venir ici. J'étais sur une autre île où nous devions nous marier.
-Je vois, coupa mon maître. Vous deviez épouser le riche indien qui a fait construire un palace tout écolo sur Kifinos? J'ai lu ça dans le journal. Il y avait votre photo. Et votre mère comment se fait-il qu'elle connaissait Soros.
- Je crois qu'elle y est venue très jeune et qu'elle s'était bien amusée. Mameth était une jeune fille délurée pour l'époque.
- Mameth ? Murmura Yannis, les yeux perdus dans la mer. Mameth ? Elle s'était bien amusée... si elle savait.
- Oui c'est le prénom de ma mère. Un prénom bizarre.
- J'ai connu votre mère, vous savez. Je l'ai même bien connue. Elle était au camping. Vous lui ressemblez beaucoup.. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, venez me trouver au camping. J'y suis presque nuit et jour. Ou ici tous les matins avant l'arrivée du bateau. Mademoiselle  c'est un bonheur de vous avoir rencontrée...
Mon maître se leva. Je m'étirais pour m'apprêter à le suivre quand Chloé me vit.
- Je crois que j'ai offert exactement le même chat à ma mère. En fait je suis une vilaine fille peut-être en train de payer très cher mon indiscipline et mon insolence !
- Vous ne payez rien du tout, mademoiselle. Et puis ce n'est pas à vous de payer quoique ce soit !
Yannis s'inclina et lui baisa la main qu'elle tendait.
- A bientôt, j'espère ! Dit mon maître en partant. A demain !
- Oui ! Répondit Chloé qui n'avait pas tout compris. Son anglais grec peut-être ?
Yannis fit monter dans sa camionnette quatre jeunes hirsutes qui avaient sans
doute passé la nuit sur le pont d'un ferry en provenance d'Athènes.
Il se tourna vers moi. J'étais assis sur le siège du passager.
- Tu vois, elle est revenue. Elle a envoyé sa fille. C'est pareil. On dirait que la boucle est bouclée, Bradpitt. Pauvre petite. Pourquoi le ciel lui a demandé de payer à elle ? Hein ? Elle n'y est pour rien dans tout ce qui s'est passé.


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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 46


Semaine 46

Sébastien était maintenant assis sur le lit de la cave. Il était en pyjama et en chaussons. Il était arrivé au milieu de la nuit. Je m'étais demandé qui ouvrait la porte avec tant de précaution. Aucune lumière ne passait par la fente de l'ouverture. Je vis alors l'enfant, seul, se faufiler et descendre.
- Ah, le chat, tu es là. Je voulais tellement te dire. Sans doute je ne vais plus venir dans la cave. Jamais. A cause de toi. Fallait que je te prévienne. J'ai attendu qu'ils dorment tous. Et puis même s'ils se réveillent, ils n'oseront pas me taper. Tu sais l'autre fois, quand la directrice est venue à la maison et que tu as miaulé très bizarrement. La directrice, elle a entendu. Alors quand je suis revenu à l'école, elle m'a fait venir dans son bureau. Un docteur m'a examiné. Puis après je suis resté seul avec elle. Elle m'a dit
qu'elle m'avait entendu crier dans la cave. Que je n'étais peut-être pas chez ma grand-mère comme le disait ma mère. J'ai dit que non, que c'était pas moi qui avait crié. Que c'était toi, Le Chat. Elle m'a demandé qui tu étais et comment je t'avais connu. Au début, je ne disais pas vraiment la vérité, mais elle m'a dit que je pouvais tout lui dire et qu'elle ne répèterait rien. Ni à mes parents, ni même à la maîtresse.
Alors je lui ai dit que je te rencontrais la nuit. Il a bien fallu que je dise que je descendais dormir dans la cave, quand j'étais puni. Elle m'a tiré les vers du nez et j'ai fini par lui dire que j'étais souvent puni dans la cave et que la dernière fois, Jean-Jacques s'en était mêlé et qu'il m'avait frappé parce qu'il croit que je mens tout le temps. Mme Sabler, la directrice, m'a demandé pourquoi je mentais. Que ce n'était
pas bien de mentir. Mais j'ai dit que je ne mentais pas que c'était les jumelles qui mentaient. Après elle m'a dit qu'elle allait faire sa petite enquête parce que ce n'était pas du tout normal que je passe la nuit dans la cave. Elle allait être obligée de dire mon secret à ma maman et voir avec elle comment régler ça. Les enfants doivent dormir dans une chambre et dans un lit. Des fois en temps de guerre ou de choses
terribles ça pouvait arriver qu'on se mette dans une cave pour dormir, mais pas en ce moment. Il n'y a pas la guerre et mes parents ne sont pas miséreux.
J'ai fait signe que oui de la tête. Cette dame avait tout à fait raison. L'enfant a repris son souffle et a continué.
- Après maman et Jean-Jacques ont rencontré aussi Mme Sabler et l'assistante sociale. L'assistante sociale est venue à la maison et a demandé a voir la cave. Tout était bien pareil comme je l'avais dit. Il y avait le vieux lit en fer caché sous l'escalier et la couverture qui pue dessus. Je suis parti pour de vrai chez ma grand-mère. Et peut-être que je vais y vivre jusqu'à ce que je sois grand chez Mamie Odette. A
moins que j'aille ailleurs. Enfin, je ne vais plus te voir. Je t'aime pourtant tellement Le Chat !... Est ce que tu crois que tu pourrais venir me rendre visite chez Mamie Odette ? C'est très loin. Il faut prendre l'autoroute. Mais j'ai entendu dire que des chats faisaient des kilomètres pour retrouver leur maître. Je suis un peu ton maître, hein,
Le Chat?
Pour la seconde fois je fis signe que oui de la tête.
L'enfant me serra contre lui. Il pleurait silencieusement et je sentis une larme me tomber sur les moustaches. C'est alors qu'il arriva un truc dingue. Ronrono Chapati descendit par le soupirail, s'étira et sa silhouette avantageuse se détacha dans la nuit.
- Un guépard ! S'exclama l'enfant.
- Non, dis-je, c'est Ronrono, mon maître. N'aie pas peur.
- Mon petit, dit Ronrono, en fixant l'enfant de ses yeux perçant et dorés comme de l'ambre , Le Chat, de son vrai nom Lucien, a réussi sa mission et ton voeux sera exaucé. Tu reverras Le Chat.
- Maître vous êtes trop....
Je ne finis pas ma phrase. Ronrono avait disparu.
- Le Chat, j'ai vu, un guépard qui parlait ! Il m'a dit qu'on se reverrait tous les deux! Tu l'as vu aussi ? Je te jure c'était un vrai !
Je me suis mis à ronronner et à me frotter contre la cuisse de Sébastien.
L'enfant me caressa entre les oreilles et en m'embrassant sur la tête me
murmura :
- Le Chat Lucien, tu es la meilleure chose au monde qui me soit arrivé ! Ne me quitte jamais.


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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 45



Semaine 45

Depuis un mois, Guillaume passait d'un hôtel à l'autre, de taxis en aéroports. A peine revenu du Japon, il était parti à Calcutta et maintenant il s'apprêtait à rejoindre Venise.
François La Salle était mort, entouré par les moines et Onaké. Je suis resté contre lui jusqu'à ce qu'il rende l'âme. Onaké lui rafraichissait le front avec une potion mentholée et le moine Gio lui caressait les mains et massait de temps en temps ses doigts. François regardait, sans voir, l'assistance attentionnée autour de lui. Il respirait sans difficulté, calmement. Il souriait, apaisé, sans doute, par la piqûre faite quelques heures avant. Et puis il voulut se redresser subitement et murmura :
"Je m'en vais mes amis".
Le sourire quitta son visage, les yeux restèrent fixes. La Salle venait de mourir très simplement et très discrètement, comme il avait vécu. Je descendis du lit comme une bombe. Il fallait laisser place nette sur le lit pour que l'espace temps avale son âme correctement et aille la déposer intacte dans la galaxie et les lieux de son choix.
Le moine Kitashiba annonça :
- C'est fini, Onaké. Ton ami est parti rejoindre ses ancêtres.
Onaké avait les larmes aux yeux et tremblait légèrement comme du temps de la
maladie qui l'avait empêché de jouer. Kitashiba fit un signe du menton en direction de Gio. Le jeune moine alla poser ses mains sur les épaulesd'Onaké qui sursauta et se calma rapidement.
- Je me sens si seule. Ma vie est un désert que la musique bat comme un vent de tempête continue. Si seule.
- Dans les moments douloureux nous sommes, tous, seuls, Onaké. Je suis seul au milieu des moines, François était seul parmi nous, Gio est seul quand il te regarde. Les hommes un peu exigeants sont souvent seuls devant la beauté et la cruauté de la vie. C'est bien pour ça qu'ils font l'effort de vivre ensemble. Nous sommes là, Onaké, comme nous avons été là pour François. A toi de t'emparer de ce que nous pouvons t'offrir, c'est un très bon remède. Et toi, tu es là pour nous, pour nous rappeler le monde du dehors, le monde des belles choses inaccessibles, ce monde à qui nous avons tourné le dos mais qui nous appelle toujours dans le silence de nos prières.
Onaké se pressa dans les bras de Kitashiba qui la serra très fort en respirant son parfum de femme fleur.

Trois jours plus tard, Onaké s'envolait pour Venise avec les cendres de La Salle. Elle attendit que l'avion de Guillaume en provenance de Paris se pose. Elle l'attendait dans une salle d'attente, le corps un peu endolori à cause de la fatigue, ce qui émaciait davantage l'ovale de son visage qui apparaissait dans toute sa pureté. Onaké attendit une bonne heure avant que Guillaume ne se présente dans le hall de la salle d'attente presque vide. Il s'arrêta et la chercha des yeux. Elle leva le bras et agita sa main. Il lui sourit. Il ne comprit pas encore pourquoi, en la voyant, sa fatigue et la fureur toujours présente de la foule indienne venaient de se calmer d'un coup. C'est quand il fut dans
le bateau taxi qui écumait l'eau plate de la lagune, quand une envie irrésistible de prendre Onaké dans ses bras, qu'il devina ce qui se passait. Elle se tourna vers lui et planta ses yeux fendus dans les siens. Guillaume se pencha et embrassa Onaké avec une précaution et une tendresse infinie. Une précaution et une tendresse que depuis toujours tout le monde lui avait refusées, à lui, le garçon doué et plein de vigueur.


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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 44




Semaine 44

Guillaume avait tenu Mameth au courant de ce qui se passait depuis la mort d'Andy. Il avait assisté aux obsèques et avait représenté la famille. C'est ce que l'avocat de sa soeur avait conseillé de faire, d'autant que Chloé était enceinte. C'était lui, l'avocat, qui avait été le premier au courant que Chloé portait un enfant de son défunt mari.
Pendant des heures, malgré la fatigue et le chagrin de sa cliente Maitre James n'avait rien lâché pour qu'elle conserve ses avantages au sein du groupe dirigé par celui qui devait devenir son mari. Elle y était employée depuis cinq ans comme une des conseillères financières du consortium hôtelier et devait le rester. Sa situation serait difficile àdéfendre, les lois ne ménageant pas les femmes. D'un autre côté les femmes de pouvoir indiennes qui avaient fait leur preuve pouvaient parfaitement s'en sortir. Le seul hic, c'est que Chloé était une étrangère et que le mariage n'avait pas été prononcé. Devant toutes ces incertitudes et les probables difficultés, Chloé avait cru bon annoncer son état. Il fallait dès à présent protéger l'enfant à venir et faire
admettre qu'Andy était le père, ce qui ouvrirait de délicates discussions de droits de succession. Les procès seraient sans doute inévitables contre la famille d'Andy.
Mameth avait beau avoir un caractère bien trempé, toutes ces histoires l'empêchaient de bien dormir comme d'habitude. Je remarquais qu'elle ronflait bien plus souvent et dans son sommeil souvent elle m'appelait et me demandait si j'entendais ce qu'elle me disait :
- Tu m'écoutes Lucie? se mettait elle à articuler lentement comme si elle était ivre.
- Ben non maitresse j'entends rien !
Mais ma réponse n'avait pas l'air de la pertuber beaucoup. Elle continuait ses borborygmes et ses ronronades;
Un matin au petit déjeuner son portable sonna. Il sonnait beaucoup depuis la bombe. Mameth décrocha nerveuse. Elle aurait voulu boire son café tranquille.
- Allo, j'écoute !
- C'est Roger avec qui vous étiez en garde à vue.
- Ah! Bonjour, Roger. Je vous ai dit l'autre jour que j'étais très occupée à cause de tout le malheur qui est tombé sur le dos de ma fille et que je n'avais pas le temps de me préoccuper d'autre chose.
- Je sais Madame Leventre. Mais moi aussi j'ai une catastrophe qui me tombe sur le dos.
- Personne n'est à l'abri mon pauvre Roger. Personne.
- Je suis à la rue depuis trois jours.
- Ah zut !... Et alors ?
-Ben j'ai pensé que vous accepteriez peut-être que je passe chez vous, me laver et boire un bon café, histoire de me redonner un peu le moral.
- Franchement, ça va pas être possible Roger. En ce moment je ne vais pas très bien et j'attends ma soeur.
- Bon, bon, je comprends. Portez vous mieux madame Mémeth et à la prochai...
- Eh, Roger attendez voir !... Mameth avait toujours été ému par les gens qui lâchaient prise facilement. Par les perdants d'avance. Elle s'exclama.
- Je pense à truc. J'ai une chambre de bonne au 8ème. Ca me sert de débarras. On pourrait voir pour quelques nuits, ça pourrait vous dépanner, non ?
- Oh que oui, Madame Laventre !
Mameth se doucha et se pomponna en attendant Roger. Un pauvre type à qui elle avait eu tort de céder. Ca allait terriblement lui compliquer la vie d'être charitable. Trop tard, le mal était fait.
Quand Roger sonna et qu'elle ouvrit, Mameth se retrouva devant un type qui avait une sâle mine. Il tenait un petit bouquet de quatre anémones qui courbaient la tête.
- Le fleuriste m'en a fait cadeau. Ne croyez pas que je roule sur l'or et que je cherche à profiter de vous. Je voulais pas arriver les mains vides.
- Entrez et venez boire un café. Je vais mettre ces quatre malheureuses dans un petit vase.
Je suis resté sur la table et quand j'ai vu le Roger l'air bien aimable, j'ai su qu'il était là pour un bon moment.


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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 43


Semaine 43

Sébastien restait assis sur le lit, les jambes balantes. J'étais sur ses cuisses maigres et il me caressait machinalement. Il se mit enfin à parler.
- Tu sais le Chat, je ne suis pas bête comme ils le pensent.Ils m'ont frappé à cause d'une histoire avec les jumelles qui ont encore menti et dit que j'avais encore volé du Nutella. C'est elles qui mangent tout le pot quand y a personne. Mais cette fois, ils m'ont fait vraiment mal. Regarde...
Le petit souleva son tee-shirt et se contorsionna. Je vis des bleus violacés dans son dos. Ensuite il remonta sa manche droite et je vis les mêmes bleus sur son bras.
- Ma mère a eu la trouille et elle a dit à mon beau-père Jean- Jacques qu'il avait
tapé trop fort et que ça pouvait faire des histoires à l'école. Alors j'y vais plus depuis quatre jours. Mais la directrice a téléphoné. Ma mère a dit que j'avais attrapé la varicelle et que j'étais parti pour quelques jours chez ma grand-mère à Chambon. La directrice a dit qu'il fallait un certificat médical et comme je ne travaille pas très bien, elle a demandé à ma mère de passer chercher mes devoirs et d'apporter le certif. Mais ma mère a dit qu'elle ne pouvait pas passer. Qu'elle partait tôt à son travail. Alors la directrice a demandé quand elle pouvait passer. Ma mère a dit ce matin parce qu'elle partait plus tard au travail. Alors là haut, ils attendent la directrice et il faut pas qu'elle me voit et il faut pas qu'elle m'entende. Il vont mentir pour le certificat et dire que c'est ma grand-mère de Chambon qui l'a. Ils ont la trouille. Ils ont peur que la directrice se doute de quelque chose parce qu'un jour, Lili, une des soeurs jumelles a raconté que j'étais un voleur et qu'on me battait et que j'étais puni à la cave mais que ça n'y faisait rien. Elle avait demandé à ma mère et à Jean- Jacques de venir;
La directrice m'avait fait venir aussi dans le bureau. Mais ils avaient fait les innocents en disant que Lili exagérait tout. Qu'ils m'arrivait de faire des bêtises mais comme tous les enfants. Ma mère me regardait tout le temps quand elle parlait et ses yeux me disaient de me taire et surtout de ne pas dire le contraire. Jean-Jacques me tenait par l'épaule et me serrait très fort.
- Un jour, il va falloir parler et dire le mal qu'on te fait à la maison, dis-je en ronronant.
- Oui, mais il faudrait que je puisse m'échapper après, le Chat, sinon ils me tueront ou ils me feront prisonnier dans la cave pour toujours.
- Oui, confirmai-je. Sauf si on te croit et si la directrice prévient alors la police. C'est eux qui iront en prison.
- Ca c'est pas possible, le Chat. On me croira pas. Ils sont très fort. Et puis même si ma mère et Jean Jacques vont en prison, c'est les jumelles qui vont me tuer. Elles me détestent.
- On va réfléchir, Sébastien, dis je. On va sérieusement réfléchir. Mais tu as droit à une belle vie. Comme tes soeurs. Personne ne les frappe elles, hein ?
- Oui mais moi c'est pas pareil. Jean-Jacques il dit que je suis un bâtard.
J'en avais assez entendu et j'étais énervé alors je me suis mis à miauler fort comme un dingue, comme un chat qu'on écorche : "Jean- Jacques c'est un connard de mec, Sébastien!".
J'eus le sentiment que mon long et puissant miaulement passait à travers les murs et ressemblait à un râle de supplicié qui pourfendait la maison de haut en bas.


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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 42


Semaine 42

Maintenant Mameth était sonnée. Pourtant quelques jours auparavant elle était sortie super excitée de son passage au commissariat. Finalement devant ses cris, ses contestations et ses remarques pleines de bon sens, le député maire à la noix avait préféré retirer sa plainte et parlé sur un autre ton. L'avocat et le conseiller en communication qu'il avait appelé plusieurs fois y étaient aussi certainement pour quelque chose.
Ce n'était pas le moment, vue la morosité politique ambiante, et à quelques mois des élections, de traiter avec morgue et arrogance les petites gens. Il avait même promis de dédommager le pauvre type qui avait perdu son chien dans l'accident. En sortant du commissariat, Mameth, comme d'habitude, avait filé son adresse et son numéro de
portable au cycliste. Chaque fois qu'elle avait à faire à des situations de crise, elle éprouvait aussitôt le besoin de croire qu'elle pouvait éternellement rendre service aux autres. En général, dans l'heure qui suivait, elle regrettait d'avoir filé ses coordonnés à des gens qu'elle ne connaissait pas . Quand ces personnes appelaient le lendemain pour boire un pot ou demander quelque chose, Mameth devait se creuser les méninges pour inventer des histoires tordues capable de la sortir dignement des griffes de ceux qu'elle avait souhaité revoir la veille.
Sauf que cette fois elle n'eut pas à chercher loin pour trouver des excuses bidon. Il y avait eu l'attentat à Bombay. Un truc très grave dans sa vie personnelle et qui la privait de temps disponible pour longtemps...

Elle n'avait pas pu joindre Chloé dans les heures qui suivirent la terrible nouvelle. Elle avait alors appelé deux fois La Luppa. La première fois, un moine répondit qu'il était à la chapelle en train de prier pour son gendre et sa fille et la seconde, le même moine expliqua que La Luppa venait d'être victime d'un malaise et que le médecin était attendu. Heureusement Guillaume répondit. Il lui conseilla de se calmer. Sa soeur Ursule allait venir à Paris demain ou après demain.
Il l'avait eue au téléphone et pensait que c'était une bonne idée.
Mameth aurait quelqu'un de proche à qui parler. Il fallait laisser Chloé tranquille. Guillaume parlait régulièrement à sa soeur et lui donnait de bons conseils. Bref, Mameth comprit assez vite que Chloé ne voulait surtout pas lui parler et l'avoir dans les pattes. Alors Mameth se contenta d'envoyer un texto.
Mameth monologua beaucoup avec moi. Il y eut beaucoup de Lucien par ci et de Lucien par là, de mon pauvre Lucien si tu savais et aussi des déclarations qui allaient de ma brave bête à mon amour de chat... Des égarements à la Mameth qui essayait de surnager sans verser une larme. Il lui fallut répondre aux amis. Faire la mère normale alors qu'elle n'avait même pas entendu une seule fois le son de la voix de sa fille. Et puis Mameth avait appris par Guillaume que Chloé n'irait pas aux obsèques d'Andy. Elle était épuisée. Elle connaissait peu les parents de son mari, les frères, les soeurs, les enfants nés d'un premier mariage mais elle savait parfaitement qu'elle ne serait pas la bienvenue. Tout ces gens là avaient été écartés quand Andy avait renoncé à un mariage indien, quand il avait évoqué un mariage européen qui servirait en même temps ses affaires, un mariage enGrèce à la Onassis. Elle était évidemment tenue pour responsable de cette décision infamante. Le mariage n'aurait pas lieu en Inde, mais la
famille s'emparait des funérailles. Personne ne voulait de Chloé ce jour là.

Ce jour là, Chloé appela enfin sa mère.
D'une voix monocorde et triste, elle demanda à sa mère comment se portait le chat Lucien. Mameth en sanglot lui répondit que j'allais très bien et que j'étais en fait le plus cadeau qu'elle lui avait fait.
- Non répondit alors Chloé, j'en ai un autre bien plus beau à te faire...
- Ah! se contenta de souffler Mameth interloquée qui avait peur à chaque mot de contrarier sa fille.
- Je suis enceinte, maman.
- Oui, répondit calmement, Mameth, c'est le plus beau cadeau qu'on puisse me faire.
- Où puis-je aller guérir, maman?
- A Antisoros, ma fille. Tu es toujours en Grèce, n'est ce pas ? Prends un bateau pour Antisoros. Tu verras, là bas c'est le paradis. C'est un coin du monde que je n'ai jamais oublié. C'est là bas que je suis devenue quelqu'un d'autre.
- Pourquoi pas. Si tu le dis. Je t'appellerai quand j'y serai.
- Prends bien soin de toi, Chloé, je t'embrasse.

Chloé avait raccroché sans dire un mot de son malheur. Encore une fois elle avait porté l'estocade à Mameth. Un enfant. Chloé n'arrêtait pas de monter toujours plus haut.




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ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 41


Semaine 41

Onaké travaillait surtout la nuit. Elle dînait tôt, frugalement, avant que le jour ne soit tombé, puis elle partait au monastère souhaiter une bonne nuit à François La Salles. Il le lui avait demandé la semaine précédente. Il sentait ses forces l'abandonner et pensait qu'un de ces prochains matins il n'ouvrirait plus les yeux sur le monde. Après son réveil, il tenait à aller au bord du lac avec le moine Gio et Onaké. Il ne se baignait plus et le moine le tenait recroquevillé dans ses bras. Les eaux calmes, brunes ou verdâtres du lac, lui rappelaient la lagune de Venise. Quand il était là, dans les bras solides de Gio, il était tout près de Marco, emporté par un vaporetto imaginaire qui faisait défiler la ville magique. Pendant cette demi-heure, il ne souffrait plus. Son visage se détendait et il se sentait bercé comme un nourrisson contre la poitrine du moine silencieux.
L'après midi, Onaké partait au village et dans la maison de thé souvent déserte à ce moment de la journée, elle pianotait sur le clavier de son ordinateur et retrouvait
les rumeurs du vrai monde. Sa mère se remettait d'une mauvaise bronchite qui l'avait conduite à l'hôpital. Le Kolonel avait lâché prise et fini par accepter qu'Onaké quitte la scène. Elle n'avait plus cherché à savoir où sa fille se trouvait. Elle se contentait d'envoyer deux ou trois mails par mois et attendait qu'Onaké veuille bien y répondre. Mais ce qui faisait qu'Onaké allumait maintenant son ordinateur avec un pincement au creux de l'estomac, c'était le désir de lire un mail de Guillaume de La Luppa. Depuis son bref passage au monastère, elle attendait, un signe de sa part. Il n'y en avait eu aucun. Elle ne se désolait pas pour autant et attendait. Quelque chose lui disait qu'ils
partageaient tous les deux la même évidence. Ils étaient faits l'un pour l'autre. Ce n'était peut-être pas le moment, peut-être trop tôt, mais un jour, ce qui avait marqué leurs regards sans qu'ils s'en rendent compte, les submergerait. Tous les deux avaient une grande habitude de la patience et de l'attente.
Elle répondit au nouveau directeur de Pleyel qui voulait avoir des nouvelles de La Salles. Le notaire de La Salles disait avoir reçu le testament de François. Désormais tout était en règle. Elle reçut un compte rendu détaillé du conseiller bancaire qui
gérait ses affaires à Tokyo. Elle vérifia que le virement mensuel destiné à la communauté monastique avait bien été effectué. Il n'y avait aucun message de Guillaume La Luppa.
Onaké referma son portable et commanda un second bol de thé vert. Ce soir elle terminerait le troisième et dernier mouvement de la Sonate à Gia. Le premier s'intitulait "Présence de l'amour", le second "L'attente" et le dernier mouvement serait "La désespérance". Elle en connaissait le déroulement, le tempo, les surprises et la fin. Elle avait presque toutes les notes en tête. Celles qui lui manquaient viendraient d'elles même quand elle serait penchée sur le clavier, comme à chaque fois. Elle vit arriver la camionnette du moine Kitashiba qui s'arrêta devant la maison de thé. Il colla son visage au carreau pour regarder à l'intérieur. Onaké comprit qu'il la cherchait. Elle lui fit signe. Elle refusait de penser que François La Salles était mort sans qu'elle soit là.
- François va très mal, dit seulement le moine. Il faut rentrer sans tarder.
- D'accord, répliqua Onaké.
Elle posa quelques pièces sur la table et fit signe à l'employé qui rangeait des bols sur une étagère. Elle sentit que quelque chose de sa propre vie allait aussi mourir. Elle ressentit une tristesse infini, pas de peur contrairement à ce qu'elle avait toujours cru penser face aux choses qui finissent. Seulement une tristesse infini qui faisait vaciller tout ce qu'elle avait pensé être. Mourir ne l'effrayait pas.
C'est l'idée de devoir renaître qui la mortifiait.



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