Photo Claude Degoutte |
Petite entreprise
En
ces temps de chômage et de faillite, Antonin s'accroche dur à sa
nouvelle petite entreprise. Tous les matins, avant de partir, il
écoute en boucle la chanson de Bashung et il enfile son survêt et
chausse ses baskets. Et puis il part, son carnet d'adresses sous le
bras et son smartphone dans la poche, sans oublier les précieux sacs
en plastique.
Au
programme de cette matinale, 5 clients sans histoires. Pas question
de se faire remarquer avec une meute hurlante et indomptable. Ca
ficherait sa réputation en l'air. Jamais plus de cinq chiens à la
fois. Il compulse ses notes. Ce lundi de 7h30 à 8h30, il passe
chercher Elvire, Dagobert, Filou, Manou et Snob. Ces cinq là
s'entendent à merveille et sont heureux de se retrouver pour le
circuit d'une heure trente autour du parc.
En
tête le labrador, en second la fox terrier et pour finir le menu
fretin frisé et pomponné. Tout ce monde est jeune et gaillard et
demande à Antonin de l'énergie et de la bonne humeur.
L'après-midi
il promène deux autres clients, beaucoup plus plan plan qui aiment
hésiter pour choisir l'arbre contre lequel ils lèvent la patte et
qui reniflent le long des caniveaux avec la frénésie des chercheurs
d'or. Pour finir, le soir tard Antonin harassé se laissera guider
par Cyrhus, un dogue puissant et souvent de mauvais poil qui ne
souhaite croiser personne.
Le
mercredi, toute la matinée, Antonin garde Loulette, une vieille
demoiselle qui a la frange sur les yeux. Il la traîne jusqu'au canal
quand il fait beau et ensuite ils pique-niquent sur l'herbe. C'est
une élégante qui a vécu dans la soie. Antonin lui raconte sa vie
pas brillante et elle n'en revient pas. Elle se dit que finalement
une vie de chienne choyée vaut largement une vie de certains
travailleurs à 2 pattes.
Le
bouche à oreille fonctionne à merveille. Le carnet de rendez-vous
d'Antonin est plein. Il a donc fallu prendre une décision
importante: remplacer les anciennes cartes de visite du temps où il
était commercial chez Bouffard & Co, société égoïste qui
n'a pas hésité à le traiter comme un chien, en l'envoyant à la
niche sans l'ombre d'un remords, aprés trente ans de loyaux
services!
Marie Bataille
http://checkthis.com/hjxx
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire