Photo Claude Degoutte |
"Cet arbre sera abattu pour des raisons de sécurité". Un arbre en face de chez moi porte ce panneau agrafé sur le tronc. Ca me fait penser à un intellectuel "révisionniste" du temps de Mao à qui les Gardes Rouges avaient attaché autour du cou une pancarte qui dénonçait ses crimes bourgeois. Cet arbre malade doit se dire qu'il n'est pas né au bon endroit, au bon moment et qu'il sera guillotiné sans procès.
Dans une forêt, le temps lui aurait été donné de voir ses racines dépérir, son tronc se couvrir de mousse et de parasites et par une nuit d'orage et de vent il serait tombé foudroyé en travers d'un sentier, en écorniflant au passage deux ou trois voisins et amis, d'essences différentes.
Mais dans les rues de Paris, l'arbre n'a pas de vrais amis . Il est une espèce de potiche ornementale et utile en bordure de trottoirs, qui fait de l'ombre, nous redonne un chouya d'oxygène, fait paravent et décore. Personne ne lui parle, les chiens lui pissent dessus, les pigeons, les corneilles et les moineaux s'en servent de perchoir et le décoiffent et s'y disputent, les vélos s'y reposent, les déchets s'y entassent. Ils sont élagués quand ils gênent, sans tenir compte de la saison. Ils ont pour boire et pour manger des carrés de terre ridicules et leur racines s'enfoncent dans du macadam dur comme des sandwiches quidatent.
Les plus chanceux sont au bord d'un étang, au milieu de pelouses vertes dans des parcs et des jardins. Ils ont un peu plus d'égards, on les égratigne pour y graver un coeur, des initiales ou des prénoms et ils seront pour toujours l'arbre des promesses, l'arbre d'un lieu ou d'une naissance. A la belle saison, on les regarde d'un balcon et on rêve au dessus de leur fourrure de feuilles, au temps qui passe et aux beaux jours de la vie. A l'automne, les enfants ramassent leur or qui tombent par poignée et l'hiver leur squelette fait patienter.
Savent-ils, ces arbres de ville, qu'il y a des forêts profondes, des vallées secrètes, des chemins perchés, avec des arbres libres et penseurs, des arbres devant lesquels les hommes s'agenouillent et se prosternent, parlent et pleurent, des arbres qui cachent des animaux menacés, des maisons et des tribus perdues, des arbres qui soignent, qui protègent, qui ont des siècles de savoir et de secrets, des arbres qui se battent contre la dévoration des hommes de ce siècle affamé?
Il est conseillé d'être poli avec le chauffeur de notre bus quotidien, alors en sortant de chez vous, parisiens, dites aussi bonjour à votre arbre!
Marie Bataille
Dans une forêt, le temps lui aurait été donné de voir ses racines dépérir, son tronc se couvrir de mousse et de parasites et par une nuit d'orage et de vent il serait tombé foudroyé en travers d'un sentier, en écorniflant au passage deux ou trois voisins et amis, d'essences différentes.
Mais dans les rues de Paris, l'arbre n'a pas de vrais amis . Il est une espèce de potiche ornementale et utile en bordure de trottoirs, qui fait de l'ombre, nous redonne un chouya d'oxygène, fait paravent et décore. Personne ne lui parle, les chiens lui pissent dessus, les pigeons, les corneilles et les moineaux s'en servent de perchoir et le décoiffent et s'y disputent, les vélos s'y reposent, les déchets s'y entassent. Ils sont élagués quand ils gênent, sans tenir compte de la saison. Ils ont pour boire et pour manger des carrés de terre ridicules et leur racines s'enfoncent dans du macadam dur comme des sandwiches quidatent.
Les plus chanceux sont au bord d'un étang, au milieu de pelouses vertes dans des parcs et des jardins. Ils ont un peu plus d'égards, on les égratigne pour y graver un coeur, des initiales ou des prénoms et ils seront pour toujours l'arbre des promesses, l'arbre d'un lieu ou d'une naissance. A la belle saison, on les regarde d'un balcon et on rêve au dessus de leur fourrure de feuilles, au temps qui passe et aux beaux jours de la vie. A l'automne, les enfants ramassent leur or qui tombent par poignée et l'hiver leur squelette fait patienter.
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les "Lundi Chou Farci" sont sur http://checkthis.com/choufarci
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et les "Lundi Ravioli" sur http://checkthis.com/hjxx
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