" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: octobre 2012

Lundi Chou farci du 29 octobre : Cimetière


Photo Claude Degoutte



Cimetière

Papy Louis a cassé sa pipe. Mamy Jeannette a beaucoup de mal à s'en remettre mais elle a charge d'âme. Faut qu'elle tienne le coup. Y a Bilou qui va sur ses 36ans en âge chien, Lulu le chat qui vient de fêter ses 8 ans normaux et puis au fond du jardin, Raymonde, 108 ans en âge tortue. Ca fait du monde à nourrir, dorlotter, engueuler, sortir, rentrer, perdre et chercher.
        Heureusement, Bilou est obéisssant. Raymonde, par contre, est une tête de mule . Quant à Lulu, il est complètement déjanté. A son âge ça lui arrive encore de grimper aux double-rideaux et de courser une mouche en renversant tout sur son passage. Mamy Jeannette a charge d'âme...
          Bref, c'est bientôt Toussaint. Et voilà que quand Mamy Jeannette s'est préparée pour aller nettoyer la tombe de Papy Louis, Bilou a aboyé qu'il voulait venir.. Il voulait aller dire un petit bonjour à son papounet qui le promenait tous les matins en lui racontant la raffle du Vel d'Hiv, les parties d'échec au Fontenoy après la guerre et pourquoi il avait décidé de ne plus conduire. "Bon, d'accord" a dit Mamy Jeannette.
        Seulement, arrivés au cimetière, les deux gardiens de l'entrée principale  ont fait remarquer à Mamy Jeannette un panneau qui disait: chiens interdits même tenus en laisse. En rebroussant chemin, Bilou qui est pourtant d'un caractère facile a fait tout un patacaisse. Il n'a pas pris son repas du soir et il a énervé Lulu jusqu'à ce qu'il grimpe dans le lustre et y reste suspendu en se balançant. Mamy Jeannette les a menacé de les donner en faisant passer une annonce dans "le Chasseur Parisien", mais ça ne les a pas plus impressionné que de les menacer de la SPA. Finalement Mamy Jeannette a cédé et promis à Bilou qu'il irait au cimetière.
      Le matin du 28 Octobre, Antoine le petit-fils passait d'un coup de scooter et  laissait pour 24 heures chrono son sac à dos Eastduchnok à Mamy Jeannette. L'après midi, Mamy Jeannette enfournait son chien dans le sac en lui disant que si il aboyait, elle irait en prison et lui en fourrière. Mamy Jeannette, sac sur le dos, préféra ne pas rentrer par l'entrée principale et tint la fermeture éclair du sac bien fermée. Arrivée devant la tombe, elle posa le sac par terre, l'entrouvrit et Bilou put sortir un bout de truffe pendant qu'elle s'activait au nettoyage, Bilou dit à son papé tout ce qu'il avait sur le coeur: qu'il lui manquait beaucoup, que les promenades avec Mamy Jeannette c'était couci-couça et qu'il espérait qu'il allait revenir vite fait de son nouveau logement. Et comme il était très content d'avoir pu parler à son papé il pissa dans le sac. Dans toutes ses recommandations, Mamy Jeannette n'avait pas stipulé que c'était interdit.

Marie Bataille

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Lundi Chou Farci du 22 octobre : Les temps sont durs

Photo Claude Degoutte





Les temps sont "durs"!

Et pour tout arranger bientôt la Toussaint qui va nous ramener au cimetière. Et les cimetières, pas forcément des beaux, des grands, pas forcément genre petite ville silencieuse aux caveaux sculptés où dorment des cercueils riches et célèbres, non, des paumés en provinces, des minimalistes en banlieues, des coincés entre le périph et le boulevard, des qui vous fichent encore plus le bourdon d'être mortel.
Les temps sont "tristes" pour les tigres du Bengale et de Sumatra. L'espèce va disparaître, dans dix ou quinze ans. La nuit, dans l'épaisseur moite de la jungle, on ne verra plus briller les yeux sauvages du grand chat. Mais il ne va plus y avoir de jungle non plus. Les hommes et leurs petits peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Le mangeur d'hommes s'éteint à petit feu et les forêts aussi.
Mais les temps sont "phone", les temps sont "canon", l'homme va plus vite que le son et tirent toujours plus vite que son ombre, les temps sont "mail", les temps sont "stars", les temps sont "nuls" comme  certains matchs, les temps sont en "réserve" et là, la nature prospère, étiquetée, mesurée, balisée, les temps sont "injustes" du Nord  au Sud.
Et puis les temps sont "élastiques" en sautant d'un pont, "touristiques" au bord du Lac du Croissant de Lune qui devait rester comme les tombeaux de Pharaon, une perle d'eau introuvable, les temps sont "musées", "centres culturels" et "tours commerçantes"...
Les temps sont "cliniques", "nobel" et  "prometteurs".  Ah, oui, et les temps sont à la "mondialisation".... Ce matin à la radio, j'entendais l'écrivain Pennac dire qu'une des choses qui le ravissait, c'était d'être dans le silence du Vercors, assis sur le banc de sa maison, seul devant le silence.... Les temps sont "prières", aussi. 

Marie Bataille

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CHOU FARCI DU 16 OCTOBRE : BOUTIQUES ET SOUVENIRS

Photo Claude Degoutte


Boutiques et souvenirs

Quand j'ai quitté ma province, Paris, comme pour beaucoup de migrants, ce fut d'abord l'installation en banlieue. Ce n'était pas la grande banlieue mais celle qui était juste de l'autre côté du périphérique. C'était  une autre petite province avec quelques barres d'immeubles et beaucoup de pavillons de briques et de meulières dans des rues sages et sans saveur, des petites épiceries et des marchands de légumes, des quincailleries, des coiffeurs et des marchands de journaux regroupés près d'une bouche de métro ou des arrêts de bus. Quand on y habitait c'était préférable d'avoir une voiture.
A la moindre occasion, je passais par dessus le boulevard périphérique pour  m'engouffrer dans Paris, l'autre monde. Celui de la ville en lettres capitales à qui les dieux avaient tout donné. De la porte de Versailles, jusqu'à la porte d'Italie, je connaissais toutes les rues qui me menaient, au volant de ma 4CV d'occase, dans l'immense sanctuaire des merveilles, au coeur de l'écrin, dans ses zones d'ombres et ses beaux quartiers, ses délires d'architectes et ses faubourgs populaires. Je découvris, d'abord et surtout, Paris la nuit, et pour cause, le jour, je travaillais.
C'est la mère d'un ami qui me fit découvrir peu à peu Paris, le jour, le mercredi. Je ne dirai rien d'elle. Son souvenir est tout entier dans les rues et les magasins de "notre" Paris. Il y a surtout une boutique de luminaires boulevard Raspail. Denfert Rochereau était seulement une place assez tranquille avec un lion monumental dont on fit le tour. Quand on emprunta le large boulevard calme et arboré avec au loin la promesse de Montparnasse, on arriva tout de suite au magasin, seul et chic. Beaucoup trop chic pour mon porte-monnaie. Mais à cause de toute la lumière qui jouait dans la vitrine, du cadeau qu'elle me fit, et pour un tas d'autres  raisons, ce magasin de Paris devint l'un de mes "monuments préférés".  Depuis, je passe et repasse devant ce magasin, en bus, en taxi, à pied ou en voiture avec la même émotion intacte.
Alors quand l'an dernier, sa devanture s'est éteinte annonçant des travaux et une fermeture, la modernité volait scandaleusement un de mes premiers souvenirs parisiens. J'ai ressenti une catastrophe imminente. Heureusement quelques mois plus tard, le magasin  rouvrit ses portes avec, miracle, la même enseigne. D'autres lampadaires chic et choc brûlent de nouveau sur la belle avenue. Sans doute  pour ne pas laisser mourir cette petite flamme d'un après-midi, ou une jeune-fille en fleur devenait une "parisienne". 
Marie Bataille

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Lundi chou farci du 8 octobre : Les arbres de l'avenue.


Photo Claude Degoutte

Les arbres de l'avenue

"Cet arbre sera abattu pour des raisons de sécurité". Un arbre en face de chez moi porte ce panneau agrafé sur le tronc. Ca me fait penser à un intellectuel  "révisionniste" du temps de Mao à qui les Gardes Rouges avaient attaché autour du cou une pancarte qui dénonçait ses crimes bourgeois. Cet arbre malade doit se dire qu'il n'est pas né au bon endroit, au bon moment et qu'il sera guillotiné sans procès.
Dans une forêt, le temps lui aurait été donné de voir ses racines dépérir, son tronc se couvrir de mousse et de parasites et par une nuit d'orage et de vent il serait tombé foudroyé en travers d'un sentier, en écorniflant au passage deux ou trois voisins et amis, d'essences différentes.
Mais dans les rues de Paris, l'arbre n'a pas de vrais amis . Il est une espèce de potiche ornementale et utile en bordure de trottoirs, qui fait de l'ombre, nous redonne un chouya d'oxygène, fait paravent et décore. Personne ne lui parle, les chiens lui pissent dessus, les pigeons, les corneilles et les moineaux s'en servent de perchoir et le décoiffent et s'y disputent, les vélos s'y reposent, les déchets s'y entassent. Ils sont élagués quand ils gênent, sans tenir compte de la saison. Ils ont pour boire et pour manger des carrés de terre ridicules et leur racines s'enfoncent dans du macadam dur comme des sandwiches quidatent.
Les plus chanceux sont au bord d'un étang, au milieu de pelouses vertes dans des parcs et des jardins. Ils ont un peu plus d'égards, on les égratigne pour y graver un coeur, des initiales ou des prénoms et ils seront pour toujours l'arbre des promesses, l'arbre d'un lieu ou d'une naissance. A la belle saison, on les regarde d'un balcon et on rêve au dessus de leur fourrure de feuilles, au temps qui passe et aux beaux jours de la vie. A l'automne, les enfants ramassent leur or qui tombent par poignée et l'hiver leur squelette fait patienter.
Savent-ils, ces arbres de ville, qu'il y a des forêts profondes, des vallées secrètes, des chemins perchés, avec des arbres libres et penseurs, des arbres devant lesquels les hommes s'agenouillent et se prosternent, parlent et pleurent, des arbres qui cachent des animaux menacés, des maisons et des tribus perdues, des arbres qui soignent, qui protègent, qui ont des siècles de savoir et de secrets, des arbres qui se battent contre la dévoration des hommes de ce siècle affamé?
Il est conseillé d'être poli avec le chauffeur de notre bus quotidien, alors en sortant de chez vous, parisiens, dites aussi bonjour à votre arbre!
Marie Bataille
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