" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: juin 2012

Lundi Ravioli du 25 juin : Voyages, voyages...

Photo Claude Degoutte

Voyages, voyages...

               Il y a des noms qu'on murmure pour partir loin, sans bouger de sa chaise. Ces noms de lieux, on les a entendus, on sait qu'on ne les verra sans doute jamais, qu'on ne saura jamais de quoi sont faites leur rues, leurs horizons, leurs lumières, mais, peu importe, on se souvient d'un film, on a lu un roman, on a rencontré un baroudeur célibataire, une globe trotteuse libérée ou un inconsolable exilé, on a joué au loto. Un de ces noms est resté dans notre mémoire comme une douceur à déguster quand il pleut, quand bébé pleure pour la quatrième nuit consécutive, quand ça coince sur le boulevard, quand ça sent mauvais dans le bus, quand Julot devient lourd et quand tout le monde me donne tort à l'anniversaire de l'oncle Antoine. Kuala-Lumpur, Tombouctou, La Havane, Cotonou, Livingstone, Zanzibar, ces mots se disent comme la promesse d'une vie hors du commun, comme un espoir secret. Dans cette liste nous avons notre préféré, celui qui nous fait redevenir la petite-fille rebelle déguisée en Davy Crockett quand on jouait en Mai 68 avec les cousins du Périgord.
          Crab Hill, Belo Horizonte, Vancouver, Montevideo, Ventiane, ces noms de villes lointaines se murmurent comme des prénoms chéris, comme des amours perdus et inconsolables, comme des prières irréalisables de jeunes filles. Dans cette litanie, pas de pays, pas de nord, pas de sud, pas de continents, rien qu'un endroit sans carte, seulement une impression vague et tenace comme quand on se réveille avec le souvenir d'avoir rêvé.
          Hiroshima, Katmandou, Honolulu, Pago-Pago, Acapulco, Adélaïde, des villes pour raconter des histoires très tristes, des îles perdues, des chanteurs d'opérettes, des paréos et du sable blanc, des sentiers qui montent vers le ciel, des paysages renversants et le sentiment que la terre et les peuples sont de sacrés poètes quand ils oublient de s'étriper. 
Marie Bataille

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Lundi Ravioli du 18 juin : Comme au Vietnam

Photo Claude Degoutte

Comme au Vietnam

Quand je suis revenue du Vietnam, dans les années 1999, Ho Chi Minh City m'a manqué longtemps comme un amour perdu. Alors, comme on respire le parfum d'une écharpe, j'allais faire un tour avenue de Choisy, dans le 13ème, parce que ça ressemblait terriblement à l' ex rue Catinat qui descendait de la place du Théâtre vers les quais de la rivière Saigon. Surtout l'été, les jours de canicule moite. 
         C'était un coin de Paris où ça sentait la coriandre mêlée au jus de cuisson d'une soupe au porc émincé, le coco parfumé de citronnelle, le jacquier, la papaye et le durian. J'y trouvais presque les mêmes boutiques un peu vieillotes, les trottoirs usés, les entrées de parking sur la rue comme les obscurs garages à vélos et à motos derrière le Majestic, les temples cachés rouges et or, Tang et Paris Store qui ressemblaient à des marchés couverts regorgeant de fioles, de cartons, d'herbes, de poissons et de viandes. Tout ça me donnait l'illusion de ne pas avoir perdu complètement le goût et la chair de mes jours et de mes nuits passés dans ce pays enveloppé de mousson et de chaleur. 
Avant de rejoindre le quartier de Plaisance où j'habitais, je déjeunais chez Lao Tan, pour déguster les gélatines multicolores dans un grand verre de coco frais. Je rêvassais et je me souvenais de mes escapades à vélo quand je partais lire la presse internationale à la Bibliothèque de l'Alliance Française, grande pièce tapissée de bois foncé, aux plafonds hauts, d'où pendaient des ventilateurs qui brassaient lentement la moiteur de l'air. La cuisine de chez Lao me rappelait aussi les restaurants autour du marché Binh Tan et les cantines en bordure de trottoirs, la douceur et la gentillesse d'un peuple qui pouvait être aussi terriblement sévère.
      Aujourd'hui, je retourne toujours avenue de Choisy mais je pense à Saigon comme on se souvient de l' amour impossible dont on a réussi à guérir. J'y retourne  en sachant tout ce qui a été perdu et tout ce qui a été accompli. Mon coeur ne bat plus aussi fort et je ne cède plus depuis longtemps à l'illusion de la ressemblance.
       Les jours où je me sens un peu plus conquérante que d'habitude, je rêve de repartir, de retourner à Ho Chi Minh ville et de m'y perdre à nouveau. De revivre dans ce qui est forcément devenu une autre ville, Une ville nouvelle hérissée de tours et shopping centers que je ne reconnaitrai plus, mais qui m'appartiendra toujours. Comme l'exil éternel appartient à celui qui a aimé et s'en est allé.

Marie Bataille

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Lundi Ravioli du 11 juin : Jubilation

Photo Claude Degoutte

Jubilation

Maintenant, je sais. Quand Loulou mon chat sera bicentenaire, sourd et presqu'aveugle et qu'il  fermera définitivement les yeux, roide sur les pages du Monde ou de Libé, je sais qu'au lieu de pleurer toute les larmes de mon corps, j'irai voir un taxidermiste et je transformerai sa dépouille en cerf-volant ou en u.l.m. Un artiste hollandais vient de faire ça. Si c'est un peu glauque, ça part certainement d'un bon sentiment. Il expliquait son geste à un journaliste qui était venu assister au décollage en direct, mais malheureusement je ne comprends rien à ce que disent les sujets de la reine Juliana....
        Juliana, justement  pouvait aller se rhabiller et se rechapeauter. La reine des reines, en cette semaine de Jubilé, c'était Elisabeth d'Angleterre en train de remonter la Tamise sur sa barge royale comme Pharaon glissait autrefois sur le Nil... En réfléchissant, ce week-end, moi aussi, avec mes enfants et mon prince consort, j'ai été sacrée reine: reine des Mères, reine des Fifilles et Belles-Filles, reine des Pommes... Du coup, pour entamer cette semaine dignement, plutôt que de me rendre au bureau, sous terre et faite comme un rat, je me suis dit que je voguerai bien sur la Seine. Je méritais bien un coup de barge républicaine. Mais arrivée sur le quai, à Bibliothèque Mitterrand, eh bien, des clous! J'ai attendu en vain les bateaux Voguéo qui desservaient l'an dernier une dizaine de stations de Maison Alfort jusqu'à la Gare Austerlitz. Un type qui nettoyait le pont de sa péniche Jazz-Club m'a expliqué que l'étude expérimentale sur les déplacements fluviaux dans la capitale était terminé et ne reprendrai qu'en 2013. Il m'a appelée "ma p'tite demoiselle" et en attendant m'a conseillée le bus, "comme tout le monde".
         Je me suis dit qu'il fallait peut-être commencer par le commencement. A la pause déjeuner je chercherai sur Internet une modiste digne de ce nom et une bonne vieille couturière pour me tailler un strict petit 7/8ème. Après, on verrait... Un sac à main à fermoir et des escarpins assortis, peut-être. Quand la compagnie daignera remettre à l'eau ses bateaux navette, je serai fin prête. Le jean, la casquette rasta, la veste en cuir et le sac besace, tout ça au placard. Tout ça pour plus tard, quand je serai octogénaire et que je ferai du Street Art en lâchant mon chat gonflé à l'hélium au dessus des toits de l'Académie Française.
Marie Bataille

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Lundi Ravioli du 4 juin : Week end à la Proust

photo Claude Degoutte

Week end à la Proust

On se lève tôt parce qu'il y en a toujours un qui est matinal en toute occasion et qui prépare le petit déj en faisant griller des tartines et chauffer le café. L'odeur monte jusqu'aux chambres les plus éloignées de la cuisine et on se lève la faim au ventre. On déboule hirsute, en pyjama, et très vite la pièce se remplit.
         On se retrouve des lustres en arrière, du temps où on était jeune et beau, célibataire ou jeune marié. Sauf que là, on a trente ou quarante de plus au compteur. Mais le coeur y est. La maison n'a pas changé, les habitudes sont les mêmes. Y a quelques boîtes à pilules qui traînent mais on avale ça comme si on prenait une aspirine pour chasser une gueule de bois d'après soirée en discothèque. Tous ensemble autour de cette table on n' est pas vieux.
          On a attrapé la plage à marée basse, à l'heure des marcheurs, du galop des chevaux qui tapent le sable dur, des ramasseurs de coquillages, des fêtards qui n'ont pas dormi et se laissent lécher les pieds par l'eau froide.
          En marchant vers Houlgate, c'est l'heure des souvenirs, des bilans, des regrets et des espérances. C'est l'heure exquise des longues amitiés, des secrets partagés ou tus. C'est l'heure où vieillir n'a absolument aucune importance parce que nos amis sont là comme autant de racines qui font reculer l'oubli. L'arbre n'est pas prêt de tomber. C'est l'heure du chemin parcouru et à parcourir, des chansons de Brel, de Barbara, de Ferré, de Bécaud et de Brassens, des voyages et des cimetières, des éclats de rire et des sanglots, des réussites et des échecs. On peut penser au pire comme au meilleur.
         Nous sommes les amis de quarante ans qu'aucun Président de la République n'a réussi à brouiller, des diplômés de la pire espèce et des sans diplôme culottés. Nous sommes des porteurs du virus 3eme age et des travailleurs au bout du rouleau... Bref nous sommes des vieux copains sur le pont de la Pentecôte.

Marie Bataille 


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