" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 51

ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 51


Semaine 51

Soros était sous le vent. Le meltémi s'était levé. Il soufflait fort et les plages étaient balayées par le sable. Les tamaris s'ébouriffaient dans tous les sens et quand on sortait de l'eau, on avait vite la chair de poule. La seule plage abritée restait celle du camping. On pouvait se blottir à l'abri des dunes et sentir le soleil taper en toute quiétude.
Chloé pensa que c'était le jour idéal pour aller faire un tour au camping et voir Yannis.
Quand sa mère lui téléphonait pour prendre de ses nouvelles, Chloé ne mentionnait jamais ses rencontres avec lui. Elle parlait de la chaleur, du soleil qui anesthésiait sa
tristesse, de son corps qui se modifiait lentement, de son frère qui s'occupait des affaires indiennes et qui avait fait un voyage au Japon incompréhensible, suivi d'un détour tout aussi incompréhensible par Venise. Il devait cacher quelque chose, une histoire alambiquée, un plan cul délirant comme il en avait parfois. D'ailleurs qu'était devenue la russe que le père arrosait de champagne, de caviar et d'euros ?

Chloé quitta sa chambre vers dix heures. Dans les rues étroites du village, il faisait chaud. Le vent ne pénétrait pas dans le dédale des maisons basses. C'est quand elle arriva au port qu'elle sentit les premières rafales. La mer était écumante et agitée. Elle longea le port et s'engagea sur la petite route qui filait vers les dunes. Dix minutes plus tard, elle arriva au camping et pénétra dans l'enceinte qui comptait plusieurs dizaine de petites tentes légères. Le long du mur qui cernait l'enclos, des cabanes
en bambou s'adossaient aux pierres, protégeant les plus démunis. A cette heure là, il n'y avait pas un bruit dans la place. Tous les campeurs dormaient, couchés et endormis depuis peu. Chloé repéra vite le restaurant qui s'abritait sous des canices, contre le mur opposé, pas très loin des sanitaires construits en dur. Le lieu était désert.
Elle s'asseya à une table où était posé une carte de restauration. Un grand type qui parlait l'anglais en roulant les r se présenta pour la servir.
Elle commanda des oeufs au bacon, un thé, une petite bouteille d'eau fraiche et une coupe de fruits frais au yoghourt. Avant que le garçon ne s'éclipse elle lui demanda si Yannis était là. L'homme répondit que oui. Elle ne rajouta rien. Quelques secondes plus tard, Yannis Pantapoulos se présenta fièrement, écarta une chaise après lui avoir
demandé si elle permettait. Il était arrivé en tenant à la main un grand verre de café frappé.
- Ca me fait vraiment plaisir de vous voir.
- Il y a beaucoup de vent, aujourd'hui et on m'a conseillé votre plage.
- Bon conseil. Ici dans les dunes vous serez à l'abri et la plage étant très fermée, vous n'aurez pas une vague.
- Et puis, ajouta Chloé, ça me faisait plaisir de venir vous rendre visite.
Yannis lui sourit et répondit
- Et moi, ça me fait toujours plaisir de vous voir. Ca me rajeunit. Ca me rappelle ma jeunesse, ma rencontre avec votre mère... Remarquez, ce n'est pas vraiment ce qui m'est arrivé de mieux dans ma vie, la rencontre avec Mameth. Elle ne doit même pas savoir ce que notre rencontre a provoqué. Le drame qui a suivi et qui me poursuit encore. Un autre type que moi aurait quitté cette île et serait parti loin. Moi je
suis resté et j'ai payé tous les jours ma dette.
- Que s'est-il passé ? Demanda Chloé, incisive.
- Vous voulez vraiment le savoir. Accrochez vous.
Yannis raconta toute l'histoire. Chloé mangeait ses oeufs et sa coupe de fruits comme si Mameth était une personne qui comptait peu. Ca ne l'étonnait guère qu'elle ait pu provoquer une telle catastrophe dans la vie de cet homme. Mameth était un danger public. Chloé avait toujours pensé ça de sa mère et ça lui avait toujours fait terriblement peur.
Elle avait toujours été terrorisée par sa mère. Ce qu'elle entendait, la rassurait. Elle avait eu donc raison d'avoir peur de cette femme qui déchaînait des cataclysmes.
- Je ne pense pas qu'elle soit au courant, sinon elle ne m'aurait jamais conseillé de venir me reposer ici après ce qui venait de m'arriver.
- Moi, j'ai parfois souhaité qu'elle revienne passer des vacances ici. Mais si elle était revenue et si j'étais retourné avec elle, les gens d'ici l'auraient tuée. Alors j'ai
finalement prié pour qu'elle ne revienne jamais. Perdre une femme me suffisait, pas besoin de deux. J'ai imaginé qu'elle avait épousé un type à l'aise qui lui faisait une vie dorée. Parce qu'elle était vraiment belle et désirable.
- Même pas, répondit Chloé. Elle a épousé un artiste peintre espagnol fauché qui faisait la java et elle aimait ça.
Mon frère et moi avons été trimballés par monts et par vaux. Ensuite mon père a commencé à être un peintre apprécié et reconnu. Maintenant, il est a l'abri du besoin. Mameth l'a quitté il y a plusieurs années. Ils ont continué à se voir de temps en temps. Mon père habitait le 14ème et ma mère le 17ème. Depuis l'an dernier mon père est parti vivre en Espagne, dans un monastère. Il est malade. Alzheimer.
- Vous ne vous entendez pas, hein, avec Mameth ? Demanda Yannis en se passant la main dans les cheveux. Pourquoi ?
- Elle a toujours préféré mon frère et....
- Et quoi ? Insista Yannis Pantapoulos
- Elle m'a toujours fait peur. Je l'ai toujours sentie capable du pire.
Yannis se leva et serra Chloé dans ses bras.
- Moi, je vous aime bien. Vous lui ressemblez tellement et vous êtes tellement différente. Il faut que je retourne dans les cuisines. Ils ne vont plus tarder à se lever. Il désigna du menton les tentes silencieuses. Un soir nous dinerons ensemble. Pas ici. Sur l'île d'en face. Je vous tiendrez au courant. Allez vous installer. Yannis montra
du doigt les dunes. Revenez manger et boire quand vous voulez.
En foulant le sable doux, extrêmement doux des dunes, Chloé se rendit compte qu'elle était partie sans payer son petit-déjeuner.


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