" MARIE BATAILLE auteur littérature jeunesse, livres pour enfants, presse, roman feuilleton: ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 7

ROMAN FEUILLETON / la merveilleuse histoire de Ronrono Chapati / semaine 7

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Semaine 7

La première fois que je suis monté dans une automobile, c'est avec Mameth Levantre. Ma première soirée mémorable passée chez elle avec Gui-Gui et la jeune russe ne se termina pas comme prévu. Guillaume n'eut pas le temps de taper quoique ce soit sur le site internet qui devait m'expédier ailleurs. Mameth, sur le coup de minuit, fut malade bien plus qu'un chien ou un chat. Après le repas, quand justement il fut question de rédiger une annonce pour me vendre au plus offrant,
Mameth commença à se sentir nauséeuse. Elle avait beaucoup bu, mélangeant champagne et Clos Latourg. Les deux douzaines d'huitres sur l'estomac n'arrangèrent rien. Elle n'arrêta pas d'aller aux toilettes, revenant chaque fois plus pâle et décoiffée. La soirée s'acheva quand enfin elle décida de se coucher en gémissant et en se tenant le ventre :
- Guillaume laisse tomber pour le chat on verra ça demain... Rentrez les enfants... Désolée d'offrir ce spectacle pitoyable... Je vous appelle demain.
Guillaume m'avait sorti du carton. Il alla embrasser sa mère avant de partir et me glissa sur l'oreiller qui était à coté de celui de Mameth.
- Allez, maman, je t'amène le voyou... On ne va pas le laisser moisir dans son carton jusqu'à demain...
- Guillaume, tu crois que c'est bien raisonnable qu'il me reniffle toute la nuit si je dois l'abandonner....
- Ca n'a aucune importance, maman. Petit comme ça, il ne se souviendra de rien !
- Tu parles... Demande à ta soeur si on ne se souvient de rien !
- Dors maman... T'en fais pas, demain est un autre jour.
- C'est ça, répondit Mameth quand son Gui-Gui ferma la porte derrière lui.
Je restais sans bouger, sans ronronner, en respirant à peine. Elle se tourna vers moi avant de fermer les yeux en murmurant :
- Ca va encore mal finir cette affaire... J'espère que tu ne vas pas faire des saletés sur mon lit.
Je m'endormis seulement au petit jour quand je fus certain que même en bougeant beaucoup, Mameth Levantre ne parviendrait pas à m'écraser ou à m'étouffer.

Mameth se remit très vite de sa désastreusesoirée d'anniversaire et oublia de m'abandonner. Elle se laissa aller àm'aimer et devint parfois complètement gâteuse à mon encontre. Elle se mettait à jouer comme personne ne sait jouer avec un chat, devenant une espèce de femelle foldingue qui se dandinait à quatre pattes sur le lit,
jouant en se cachant sous l'oreiller à la petite souris. On se payait de ces parties extraordinaires de poursuite et mes griffures n'altéraient pas son esprit inventif. Jusqu'à ce qu'elle se reprenne subitement, se redresse et dise d'un ton abrupt :
- Suffit, Lucien. On se calme, là. Assez déconné pour aujourd'hui!
Un matin, au petit déjeuner, pendant que je ronronnais sur ses cuisses confortables, elle prit une mine renfrognée et se lança dans un long discours :
- Si je te garde, faut te couper les roudoudous, mon pauvre ami. Tu vois Lucien, la vie c'est toujours une anarque. Retiens bien ça.
Tu te dis, ça y est j'ai gagné, elle me garde, mais au virage t'as le véto pour t'émasculer. C'est aussi pour ça mon petit Lucien que je ne tevoulais pas. J'ai horreur des mutilations de toutes sortes. Je ne voulais pas t'infliger une telle douleur. Donc, pour te résumer la situation, soit tu restes ici dans un appart parisien bien propre et c'est direct le coupe-couille, soit je te balance sur Internet en espérant que tu atterrisses à la campagne où tu pourras passer tes nuitsdehors pour purger tes glandes. Dans ce cas, ça sera certainement moinsde confort et de gentillesse mais pas de véto... Mais va savoir... Y a pas de règle absolue. Tu peux très bien tomber sur des campagnards émasculeurs... Qu'est ce que tu en penses mon poulet?
Mameth me parlait beaucoup, comme elle aurait parlé à un humain. Elle n'avait pas
l'air de s'apercevoir que j'étais un chat. Je me suis serré contre Mameth et je lui ai léchouillé les trois bagues. Elle a hésité puis a dit :
- Ah bon, tu es déjà accro, mon pauvre Lulu, à ta Mameth ! Et pour ça tu es prêt à passer sur le billard !... J'ai toujours été assez adulée, c'est vrai, mais là, tu bats des records, toto.
C'est comme ça que le surlendemain je me suis retrouvé dans une petite cage portative, sur le siège avant, à coté de Mameth conduisant comme un pompier qui part au feu.
Je ne m'étendrais pas sur l'opération, les douleurs au réveil, la peur, la nuit horrible passée chez le vétérinaire, dans une des cages empilées comme les apparts d'une HLM, avec des voisins flippés.
Heureusement j'ai pu ruminer le discours de Mameth au sujet de ce qui venait de m'arriver et me dire qu'elle ne m'avait pas envoyé au massacresans explications et sans me prévenir. Autour de moi des chiens gémissaient, d'autres aboyaient, d'autres essayaient d'ouvrir la cage à coup de dents, tout ça jusqu'au matin, jusqu'à l'arrivée du boucher qui alluma la lumière en entrant dans notre salle de torture et s'écria:
- Alors comment va-t-on la dedans ? Ouh que ça pue, nom de dieu ! On s'est laissé
aller dans la paille, hein ?... Nathalie va vite nous parfumer tout ce bazar, n'est ce pas , Nathalie ?
Une jeune dame arriva l'air déconfit.
- Je prépare le planning plus tard alors?
- Oh que oui ! Propreté d'abord!
- Je reviens plus tard, Nathalie.

Mameth fut une des premières à venir me libérer. Elle fut accueillie par le ton jovial et satisfait du vétérinaire:
- Mme Levantre vous êtes pressée de récupérer votre ... Lucien... C'est ça, Lucien ? On s'attache, on l'aime déjà son Lucien ! Vous allez voir, un chat c'est autre chose qu'un hamster...
- Parfaitement Mr Loiseau, je m'attache. Ca n'a pas du être une nuit de bonheur pour mon Lucien et après ce qu'il a subi il a droit à quelques considérations... Si nous
continuons à maltraiter nos animaux, Mr Loiseau, un de ces prochains siècles, le film d'Hichkok, "Les Oiseaux", que vous devez forcément connaitre, personne ne pourra plus le revoir parce que tout le monde aura eu les yeux crevés... La révolte du règne animal...
- Mme Levantre... toujours aussi excessive! Nos bêtes comprennent très bien ce
que je leur fais. Je leur permets de vivre en harmonie avec les hommes et à l'occasion je les soigne. Je ne suis pas qu'un tortionnaire!
-Ok, Mr Loiseau... Ne vous fatiguez pas... Heureusement que vous êtes là. Je
suppose que la démolition des couilles de chat coûtent une fortune...
L'harmonie, ça se paye ! Combien ?.... Cent quatre vingt euros!... Ben dites donc! J'enverrai la facture à ma fille.
Sur ce Mameth tendit une carte en plastique dorée et on repartit très vite. Dans la voiture au premier feu rouge, Mameth alluma une cigarette et commença un
discours :
- Le Loiseau doit bien gagner sa vie... Mon pauvre Lucien ! J'ai pensé à toi toute la nuit. Je me disais que tu devais souffrir le martyr et que ta Mameth n'était pas là pour te consoler... Tu devais te dire que les humains sont méchants, barbares... Je t'ai bien expliqué ce qui allait se passer mais ça n'excuse rien... J'ai été lâche, encore une fois. J'ai laissé faire... Alors te voilà sans roubignoles. C'est untruc que tu pourras me reprocher toute ta vie. Je suis prête... On fera quand même savoir à Chloé ce que tu as subi à cause d'elle. Parce que si tu es là, dans ta misère, c'est à cause d'elle, au départ... Faut pas l'oublier, ça !
On klaxonna derrière. Mameth regarda dans le rétroviseur et s'exclama :
- Il a de la chance celui là d'avoir à peine la trentaine et une belle gueule sinon je le faisais chier pendant un quart d'heure en roulant à 20 à l'heure. Je suis un peu au milieu de la chaussée, remarque...
J'ai très vite adoré aller en voiture avec Mameth. Et des voyages extraordinaires en voitures j'en fis un bon paquet !





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