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| Photo Claude Degoutte | 
La rue Poète
 Quand
 on a du temps, se déplacer en bus dans Paris, en dehors des heures de 
pointe, c'est génial! On s'offre une demi heure ou plus de rêveries dans
 des rues méconnues. Ca donne envie de réfléchir, de refaire sa vie, de 
résoudre ses problèmes, de déménager, de préparer sa réunion, 
d'organiser ses prochaines vacances, de téléphoner à sa mère, d'offrir 
un livre à son voyou de fils, de croire que sa fille est bien plus futée
 que nous, tout ça, en regardant passer la ville et défiler les 
devantures de magasins. Cet hiver, on ne mettra plus de pantalons mais 
de jupes et des bottes, on décorera son sapin de ruban en papier kraft, 
on osera une mèche rousse en pleine frange châtain, on changera les 
meubles de place, bref, on s'inspirera de ce que la rue nous a offert 
pendant notre secrète traversée de Paris. 
Quand le 88, le 22, le 67,
 le 29, le 58 et d'autres, nous font sortir des sentiers battus aux 
enseignes universelles pour passer devant des commerces pleins 
d'imagination, on rêve comme des enfants trimballés en poussettes. Adieu
 les Zara, les H & M, les Mango, les Fnac, les Virgin, les Vuitton,
 les Longchamp, les Starbuck et autres dictatures ! On est au "Point du 
Jour", à "l'Encre Vive", plus loin à "l'Herbe Rouge", à "l'Arbre à 
lettres", aux "Chants du Monde" ou à "l'Oeil Ecoute" pour feuilleter 
d'un regard dans les  vitrines, des romans, des essais, des albums et 
des poèmes. On ne choisit plus ses chaussures dans quatre cents mètres 
carrés au sous-sol d'une galerie de Centre Commercial mais dans un petit
 écrin entre quatre murs, au "Pas de Géant" ou au "Soulier de Satin". Et
 quand on a fini ses courses, on s'arrête boire un chocolat chaud à 
"l'Excuse", au "Pas Sage" ou au "Verre Siffleur" si on a vraiment le 
gosier en pente. Au comptoir des "Ursulines", si on est vraiment plein 
de nostalgie, on rêve des soeurs en cornettes d'autrefois menant à la baguette des jeunes filles en uniforme 
bleu marine. 
Pour le coup de fatigue, et quand on sera riche, on jette 
un oeil aux chaises et aux fauteuils de chez "Etat de Siège". Si on 
le pouvait, on dévaliserait volontiers pour ranger le bazar de sa 
chambre "L'Ordre du Monde" plein de boîtes merveilleuses. Et quand je 
reviens le soir dans mes pénates, hiver comme été, à l'arrêt du bus, 
j'ai un petit bout de trottoir campagnard où un jeune fleuriste résiste 
courageusement à la crise... Sur l'auvent de sa boutique, on lit un 
dernier bon conseil "Effleure la Muse"...
Marie Bataille
les "Lundi Chou Farci" sont sur